Call Of Nemesis : Date indéterminée (partie 1/2)

Chapitre 1 :      _

 

 

Mes                                                                doigts                                       sont           

 
 

                                                                                                                       là.     

 

Je     

                                                             peux                                                les             

 

 

                            voir                                          sans                                bouger.

 

 

Ils                         sont                      couverts                                    de gravats.

 

 

Il                              me                  regarde,                                                                                                                                                          

                                                                                                   mort.                    

                           

 

Je…                       Je crois                                                        que je suis

            vivante.


 

 

 

Mais                                         j'ai du mal                                          à respirer.

 

 

Le vent                                                                 souffle,                           mais

 

je                          ne l'entends pas.                Je n'entends         plus.                  

Un   voile   noir   cache                         de   temps  à  autre                             ma vue.

 

La douleur                 vient                   ,                  progressivement.

 

Je   suis                                   au   sol,                                            sur  le  ventre.

 

_        !                  !        !

        

Du   coin  de  l'Å“il,                                         j'aperçois   Marion             qui   m'appelle,                                  à   moitié   cachée                       dans    une   ruelle.                         Je devine                                   ce qu'elle me dit.

« Planque-toi,                   planque  -  toi ! »

Mais   je   ne   peux   pas                                bouger.                 Mes  yeux  se  fixent

sur  le  sol  qui  tremble ,              le  grondement                 passe au dessus de ma tête   

en direction de la ruelle. Le souffle qui suit est si puissant que mon corps décolle et heurte la base d'un lampadaire. La souffrance me permet de me tenir éveillée.

« Tu dois te sortir de là. »

Je bascule mon bassin dans le but d'apercevoir l'avenue en aval et tends l'oreille, tant bien que mal. Contrairement à mon audition, ma vue ne me fait pas défaut. J'assiste à l'une des plus impressionnantes démonstration de puissance de feu de ma vie.

Les impacts creusent les façades, les vitres se brisent, des étages entiers sont pulvérisés par les tirs de chars. L'un d'eux a fait feu sur nous. Oui, c'est pour ça que je suis couchée. Ma jupe est fendue, trouée et très sale. Je devais –oui, je devais- la porter à l'antenne. Où est le caméraman ? Où est Marion ?

« Tu dois te sortir de là. »

Je suis sonnée, je le sais, tout comme j'ai conscience du fait que je ne peux pas me déplacer dans cet état. Les tirs se rapprochent, fusent au dessus de ma tête. Ils s'affèrent, courent et se cachent. Certains tombent, mais leurs troupes progressent, face à une division blindée en déroute. Les tirs d'obus sont moins fréquents, les chars se replient, j'ignore pourquoi. Ceux qui arrivent ne forment qu'une poignée d'hommes faiblement armés, à peine dangereux contre l'armada déployée. Cependant, pour moi, ils représentent une menace. De mon bras valide, je remets mes cheveux devant mon visage et fait la morte. Ils se rapprochent. Ils sont tout près, se parlent entre eux, mais je comprends mal.

_Il y a des survivants ?

_Non, je ne crois pas.

_Si, là ! Il y a une personne encore en vie ! Amenez vite un brancard !

Ils se posent tous tout autour de moi. L'un d'eux se penche. J'essaye de tomber dans les pommes, d'être morte, qu'ils me laissent tranquille. Mais je n'y parviens pas. Il est jeune, celui qui pose ses doigts sur mon coup, trop jeune, comme toujours.

_C'est           bon, on l'emmène, les gars ! Aller, on se bouge, maintenant !

Deux d'entre eux me soulèvent et me placent sur un brancard. Le paysage défile, me montre des corps sans vie, déchiquetés ; des décombres encore fumantes  et même deux chars complètement renversés. Parfois, la course stop un long moment, puis reprend de plus belle. Je ne regarde bientôt plus que le ciel et ses nuages. Juste le ciel.

 

 

 

 

Chapitre 2 : 13h17


 

 

 

 

Lorsque je repris conscience, il me fallut un long et douloureux moment avant de me souvenir de comment j'avais atterri là. La pièce sans fenêtre ne possédait pour seul meuble qu'une simple petite chaise en bois, usée par le temps. Une faible lumière jaune l'éclairait dans sa totalité. Ils me gardaient ici, sans doute pour m'interroger. En tant que journaliste, je devais avoir des informations qu'ils n'avaient pas. A moi de les marchander contre ma liberté. Seulement, j'en savais très peu, et ce serait sûrement insuffisant si je comptais également faire libérer le reste de mon équipe. Je stoppai net mon résonnement dès lors que je me souvins du sort de Yoann et Marion. Les larmes me vinrent rapidement et se bousculèrent bientôt pour couler.

_Tss !

« Ne pleure pas ! Pas quand ils pourraient venir te voir d'un moment à l'autre ! Tu te dis forte ? Alors prouve-le ! »

Je m'assis sur la chaise, pris mon inspiration et expirai lentement. Ce qui allait suivre ne laissait place ni au hasard, ni à l'erreur, et encore moins aux sentiments. Les ignorer rendait les épreuves plus simples à vivre. En un sens, le fait que je fusse seule me donnait un avantage, car il n'y avait pas d'autre personne dont il fallait se soucier, hormis moi. Je pouvais me permettre plus de liberté au niveau des négociations. Cette flexibilité était un luxe que je payais cher, de la vie de deux personnes que j'aurais voulu connaître davantage. J'avais rencontré Yoann le jour de son embauche. Un jeune caméraman drogué à l'adrénaline... Couvrir les conflits aurait dû être son truc, tout comme c'était le mien. La vie ne lui avait pas permis de poursuivre ses rêves. Quant à Marion, nous l'avions prise pour guide lorsque nous étions arrivés dans la région.

Tous deux connaissaient les risques d'un tel reportage. Les origines de cette guerre civile... Je n'aurais jamais dû confier un tel sujet à deux jeunes comme eux. Je n'y pouvais maintenant plus grand chose, à part essayer de sauver la dernière membre de l'équipe.

Sur ce dernier point, je focalisai mes pensées. J'ignorais tout de mes tortionnaires, leurs motivations, leurs méthodes d'interrogatoire.

Après des missions au Cambodge ou en Corée du Sud, jamais je n'étais tombée sur des ravisseurs que je ne connaissais pas. La difficulté résidait dans le maintient de la situation, sachant pertinemment que je n'avais rien pour marchander ou me battre, et personne pour me sortir d'affaire cette fois.

La porte s'ouvrit si brusquement que je manquai de peu de sursauter. Derrière, deux hommes –dont le jeune qui m'avait découverte- entrèrent. Les deux caucasiens, extrêmement différents, possédaient néanmoins exactement le même regard. Le premier, la trentaine, peut être plus, affichait un sourire qui ne le quittait semblait-il jamais. Le second, plus jeune possédait un visage bien plus grave. Mes deux visiteurs demeuraient immobiles et peu loquaces, si imposants, si massifs. Ils correspondaient à la description que m'en avait faite Marion, qu'elle-même avait entendu quelques semaines plus tôt.

Je me risquai au bout de quelques secondes à rompre le silence, quitte à ce qu'ils prennent par la suite l'initiative.

_Vous êtes... Des cacodaïmons, n'est-ce pas ?

Du petit sourire du premier émergea une rangée de dents. Le second se contenta de froncer les sourcils. Ils se regardèrent.

_Surprenant, n'est-Se pas ? S'est intereSant.

Le blond paraissait prendre plaisir à accentuer ses « s ». Maintenant que je l'entendais, il ressemblait assez à un reptile. Le visage allongé, ses yeux clairs brillaient, sans qu'il ne les eusse bougé des miens.

_Que Savez-vous de Sela ?

J'avais commencé à parler. Trop tard pour faire marche arrière et me taire. J'espérai néanmoins ne pas dire de monstruosité, ce qui malheureusement était fort probable, vu mon manque d'information.

_Vous êtes... La Troisième faction. Lors des première émeutes, vous avez mis le feu aux poudres, coordonné les cellules de tous le pays et finalement déclenché la guerre civile que nous connaissons.

Le serpent cacha sa rangée de dents, et ce fût le second qui montra la sienne.

_S'est déSevant...

Il baissa les yeux, pivota en direction de la porte, l'ouvrit, puis sortit sans rien ajouter. On aurait presque dit un gosse. L'autre par contre restait planté devant moi, sans bouger. Des deux, il était le plus impressionnant. Son visage ne trahissait aucune émotion et son corps ne laissait paraître que la maîtrise qu'il en avait.

J'avais repris l'avantage face à leur manège. Il m'appartenait désormais de rester silencieuse et d'attendre qu'il ouvre la bouche, ce qu'il ne tarda pas à faire.

_Cacodaïmon, hum ? Je dois vous avouer que je suis également très déçue par votre ignorance. J'espérais beaucoup de vous.

Il fit demi-tour, vers la porte. La faim et la soif se feraient bientôt sentir, mais il fallait que j'obtienne un nom à mettre sur son visage, seule manière d'établir un contact durable avec eux.

_Comment vous appelez-vous ?

Il se retourna, lentement.

_Un de mes amis vous dirait que la vraie seule question à se poser est qui êtes-vous, vous ? Interrogez-vous avant de demander à connaître mon identité.

Puis il passa d'un sourire de vainqueur la porte. S'en suivirent le silence et la solitude. Sans doute allaient-ils me faire mijoter une journée entière. Accessoirement, ce groupe, qui tenait apparemment à m'empêcher d'achever mon reportage, voulait ma tête. Puisque je vivais encore, je supposai sans trop me tromper qu'ils avaient modifié leurs plans me concernant, pour l'instant, du moins. Il ne fallait donc pas que j'espère sortir de là aujourd'hui ou demain. Je ne savais même pas à quel date nous étions. Cela faisait un, peut être deux jours que j'étais prisonnière. La seule information temporelle que j'avais était l'heure de ma vieille montre.

« Treize heures dix-sept. Ils viendront t'interroger la nuit tombée. Tu devrais dormir. »

Au bout de vingt ans passés à voyager d'un pays à l'autre, je commençais à connaître la chanson. Une chose qui ne pourrait sans doute jamais changer était ma manie de me materner sans arrêt, comme si j'étais incapable de faire quoi que ce fût sans me l'avoir au préalable ordonné à moi-même.

Je décidai de me mettre à l'aise, de leur montrer que je savais comment fonctionnait ce jeu. Je pris la chaise et la reversai juste contre la porte. Au moins, il ne me surprendraient pas durant mon repos. Je m'assis dans le coin opposé et me servis de ma veste comme d'un oreiller. Pour cette fois-ci, je comptais laisser la lumière allumée. Pour cette fois-ci seulement.

Comme prévu, lorsque l'on poussa la porte, la chaise bascula et me réveilla. Le jeune homme –encore lui- entra sans poser un seul regard sur la chaise, un plateau repas dans ses mains. Mon ventre grogna si fort qu'il fallut que je me lève pour camoufler le vacarme. Ce fut l'occasion de regarder l'heure, ce qui me permit de voir que mon estimation avait été bonne.

Je m'approchai de lui, pris la chaise et la remise debout, à sa place.

_Voici pour vous.

Il me tendit le plateau, que je pris, doucement.

_Merci.

Sans jeter un œil à ce qu'il y avait dessus, je le posai au sol, dans un coin.

_Si cela ne vous fait rien, je mangerai plus tard. Je souhaiterais avant tout discuter avec vous.

Un très léger rictus paru déformer son visage, mais les mots qui suivirent furent sur le ton de la réjouissance. Je me serais volontiers attaqué à ce qu'il avait apporté, mais pour rien au monde je ne lui aurais donné satisfaction.

_Bien. Dans ce cas, discutons.

Il me tourna le dos et se dirigea encore une fois vers la porte. J'allais encore le perdre ! Je le pris de vitesse, aussi calmement que possible.

_Je ne sais toujours pas comment vous appeler !

Il tourna la tête, les yeux rivés vers le sol.

_Avant, on m'appelait Thomas.

_...Et maintenant ? Comment vous appelle-t-on ?

Il leva ses yeux dans les miens, puis sourit, en guise de réponse avant de sortir de la pièce.

_Je reviens avec une chaise.





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24/11/2007
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