Chapitre 5 partie 1

Chapitre 5 : De retour

 

 

 

 

 

 

_Je t'assure, maman, je peux très bien retourner au lycée !

Quoi que je pouvais dire, ni ma mère ni mon père ne concédaient ce que j'y retourne. Même si je n'osais pas leur dire, c'est quand même à la maison que je m'était fait attaqué.

_C'est trop dangereux pour toi ! Tu l'a dit toi même, tu ne sais pas ce qui est en train de se passer !

J'admirai la chose qui m'avait par le passé toujours agacé : la capacité aux parents de toujours montrer qu'ils maîtrisent la situation, alors que ce n'était pas le cas.

_C'est vrai. Je ne comprend rien à ce qu'il se passe, mais je dois aller de l'avant, maman. Il le faut ! Qu'est-ce que je deviendrais si je me laissais aller ? Et Nataniel ? Je vais le laisser tomber comme ça ?

Devant le regard perplexe de ma mère, je cherchais secours du regard auprès de mon père.

_Papa…

_Thomas. Ta mère a raison. C'est dangereux. C'est pour cette raison que tu devrais y aller. Tu dois savoir ce qu'il se passe, ou l'aventure qui est arrivé à ton pauvre ami risque peut être de se reproduire.

Ma mère regardait mon père avec des yeux ronds, sans que je n'y vois aucune contestation . Les larmes lui montant au yeux, elle décida simplement d'hocher la tête, puis de retourner à la cuisine d'un pas lent.

Pour ma part, je regardai mon père. Je tentai sur le moment de sonder le sentiment que j'avais. Ce n'était pas de la surprise, ni de l'inquiétude, mais de la stupéfaction, liée à de l'angoisse.

Voir mon propre père si inquiet, si sérieux… Lui qui était d'un naturel calme et optimiste, il arborait à présent un regard grave et profond qui me faisait me sentir mal dans ma peau.

_Fais bien attention à toi, dit-il, doucement.

Je lui adressai un sourire en coin en guise de réponse. Je savais que ça ne suffirait pas, mais les mots me manquaient pour dire quoi que ce soit.

Mon père alla chercher quelque chose dans la bibliothèque du salon. Le fait qu'il soit de dos ne m'empêcha pas de savoir d'avance ce qu'il allait chercher. Un objet caché derrière les livres. Un objet auquel je n'avais jamais eu le droit de toucher jusqu'à présent. Enfin, si, je m'en étais servi, mais quand mes parents n'étaient pas là.

_Fais bien attention avec ça. Je sais que tu sais t'en servir, mais surtout ne te fais pas piquer avec.

Mon père me tendis le poignard qu'il avait jalousement gardé toutes ces années. Un poignard du Japon féodal, m'avait-il dit un jour. Ce n'était pas certain. En revanche, sa solidité n'était plus à prouver et il était sûr qu'entre des mains expérimentées, cela deviendrait une arme de choix.

Le fourreau et le manche étaient tous deux de couleur marron. Le tout formait un ensemble assez homogène et très simple.

Chaque famille a toujours un trésor, une sorte de relique sacrée qui se passe de générations en générations. Nous, nous avions cette lame magnifique.

Mon père avait dû me voir m'entraîner avec dans le jardin, sûrement. Là aussi, la capacité de mes parents à connaître le moindre de mes faits et gestes m'avait toujours étonné. S'ils pouvaient savoir ce que je faisais, il était en revanche plus difficile pour eux de savoir ce qu'il y avait dans mon esprit. Je pris l'objet en main, sans le quitter des yeux. Le piquer dans le dos de mes parents pour jouer avec était une chose. Se le faire offrir pour se défendre en était une toute autre.

Le soir, seul dans ma chambre, je restais éveillé dans mon lit à contempler l'arme que j'avais installé à côté du sac de cours. Préparer ce dernier avait été assez drôle. Cela m'avait rappelé combien le lycée pouvait être cool, comparé à ce qu'on avait subit, Nat' et moi.

J'allais revoir Yann, David, Tania…Mais aussi Elodie, Marek et tous les autres.

« Nataniel… Â»

 

 

 

Le retour au lycée ne se fit pas sans éprouver une certaine douleur, notamment lorsqu'il fallu me lever à sept heures du matin. Fort heureusement, mon envie d'aller au lycée était plus forte que ma souffrance. Mes parents partirent comme à chaque fis vers 7h20, mais prirent le temps de bien me dire au revoir, sans bien sûr oublier de me dire de les appeler à midi, et quand je rentrerais…

Cela faisait 17 jours que je n'avais pas quitté la maison. Lorsque je mis le pied dehors, tout était si calme. Je fermai la grille derrière moi et contemplais la maison, comme pour la voir une dernière fois.

Sur le chemin, je tentai de faire attention au moindre détail de la route, à la moindre feuille. L'air sentait bon et était agréable. Jamais je n'avais autant éprouvé de plaisir à faire ce trajet. Avais-je mûri ? Ou n'étais-je simplement devenu plus mature qu'avant ? Je ne connaissais aucune réponse à ces questions. Mais je m'avouais très inquiet quand je pensais au fait que seul le fait d'avoir croisé la mort m'avait montré la véritable valeur de la Vie. J'avais peur que tout le monde soit comme moi, que tout le monde soit idiot au point de ne plus voir les choses importantes de la vie. Je plaignis ceux dans ce cas-là.

« Ils sont déjà morts sans le savoir. Â»

Maintenant, j'éprouvais du plaisir à remplir mes poumons d'air frais, à regarder les oiseaux virevolter dans le ciel azuré. S'en était presque poétique. Non. Ca l'était. C'était vraiment beau.

J'aurais voulu partager cette sensation avec le monde entier. Mais voir ne serait-ce que l'armada d'élèves devant le lycée, les voir, eux, si…différents.

« A moins que ce soit moi qui soit différent. Ou peut être est-ce le monde qui a changé pendant mon absence, parce que jamais il ne m'avait parût ainsi… Â»

Je souris. Je délirais à penser le monde de cette façon, en formulant les phrases comme si je les lisais dans un livre. En tout cas, ce genre de pensée, même si je ne les avais jamais lus, je les aurais bien écrite dans un journal ou un truc du genre. C'est dans ces moments là qu'on regrette toujours de ne pas avoir un papier et un stylo…

Certaines personnes me regardaient, puis se retournaient pour discuter avec leurs semblables. Je ne pouvait entendre que des bribes de conversation, des murmures.

_…T'as vu ? c'est le mec qui s'est fait chopé chez lui

_…Bizarre, ce qu'il leur ai arrivé à tous les deux…

Je fis mine de ne rien percevoir, comme à l'accoutumé. Sauf qu'ici, c'était de ma vie dont on parlais, et non de mes chaussures bizarres ou de ma façon de marcher. Cela me demandais d'autant plus d'efforts que quelques groupes ne se gênaient vraiment pas pour parler à voix haute.

Ce qui me faisait bizarre, ce n'était pas tellement l'impression que ceux autour de moi me jugeaient. J'y étais habitué. En revanche, j'ignorais ce que cela faisait d'être réellement le centre de conversation, mon impression se limitant normalement à un délire paranoïaque égocentrique.

Je pressais le pas, jusqu'à en avoir une démarche ridicule, tellement j'étais impatient de revoir tout le monde, de poser toute sorte de questions à Yann, de reparler à Tania, ou encore de discuter une nouvelle fois avec David.

 

Les conversations se turent très vite lorsque j'arrivai au niveau de la classe, qui attendais dans la cours la venue de notre prof de math bien aimée.

La plupart avait le regard rivé sur leurs chaussures, comme s'ils avaient honte de quelque chose. Seuls quelques uns osaient croiser leurs regards dans le mien. Parmi eux, Yann, bien sûr, mais aussi David qui esquissa un sourire en coin et Tania.

Alors que je m'apprêtai à entamer la discussion en arrivant au niveau de Yann, un grand baraqué se mit en travers de ma route.

Je levai le nez, surpris, pour voir Marek se tenir en face de moi. Avant que je ne puisse le prévenir que je n'étais pas en état de supporter quoi que ce soit, il mit sa main gauche sur mon épaule.

_Je sais que j'ai toujours été un enfoiré avec toi, Tom.

Il parlait d'une voix forte que tous pouvaient entendre.

_Je tiens à ce que tu saches que je suis avec toi. On est tous avec toi. On coincera ces fumiers, j'te le promet !

Ces paroles furent suivies de l'approbation du reste de la classe. Les yeux écarquillés, devant un mec de presque une tête de plus que moi, je bafouillai un merci, puis me retournai pour remercier aussi ceux derrière moi qui avaient levé la tête.

La prof de math, égale à elle-même, ne se rendit même pas compte de ma présence en ouvrant la salle de cours. Comme à son habitude, elle se mélangeait les pinceaux en choisissant parmi son trousseau de clés celle qui ouvrait.

Au fur et à mesure que la classe entrait, Yann, David et Tania se rapprochaient de moi, leurs regards complices.

J'entendis à l'oreille :

_Comment ça va aujourd'hui ?

Cette voix-là me fit sourire. Je me retournai lentement, pour voir le sourire parfaitement charmant de Tania.

Je choisis la table la plus en retrait. Yann et moi avions des trucs à se dire. La salle était bien éclairée. Elle avait une grande fenêtre à ma gauche qui donnait sur une partie de la cours intérieure et deux fenêtres à droite, plus hautes, qui donnaient sur la cours Nord.

Yann vînt s'asseoir à côté de moi, comme je le souhaits. Tania et David s'assirent à côté, devant moi, tandis que Marek choisit la table à notre gauche.

Je percutai dans l'instant le regard complice de Tania et David. Le pincement au cœur me fit tomber ma trousse.

_C'est arrivé pendant que tu… commença Yann.

Il prît une pause et continua.

_Ils se sont rencontrés sur le chemin de chez toi. Elle a vu qu'il n'était pas aussi con qu'il en avait l'air. Ils sortent ensemble depuis quelques jours. Je suis désolé.

Je me tournai en direction de Yann, l'air exaspéré.

_Et tu trouves ça drôle ? C'est tout ce que tu as trouvé en guise de bienvenue ?

Il sourit puis éclata de rire. La prof se retourna et chercha du regard l'origine de bruit, sans toutefois la discerner. La faute à ses lunettes, sûrement.

_Désolé, pouffa-t-il, mais c'était vraiment trop tentant ! T'aurais du voir ta tronche ! Ils se sont effectivement rencontrés en allant chez toi, mais ils ne sont qu'amis.

« Amis.. Â»

Je ne l'étais même pas avec Tania. J'aurais voulu  être tellement… Et je n'étais même pas de ses connaissances. Un frisson désagréable me parcourra le dos.

Je me concentrai sur les intégrales marquées au tableau. Le but était simple. On avait une un calcul d'intégrale et on devait faire une intégration par parties. Il fallait prendre le début, et le remplacer par, euh…

La prof continuait dans l'indifférence générale son cours de sa voix de vieille peau.

Personne ne l'aimait. Il fallait dire qu'elle ne faisait rien pour.

 

Je posai le regard sur la feuille de Yann. Il me regarda, amusé. Il avait déjà fini. Il soupira et tourna la feuille de manière à ce que je puisse en voir le contenu et le copier sur ma feuille.

Frustré par mon manque de sérieux, mais aussi d'intelligence, je décidai d'en venir aux choses intéressantes.

_Tu as vu quoi à la casse ?

_Rien, désolé. Elle était fermée hier soir. Tu veux venir avec moi ce soir ?

_Mais elle est où ? Parce que je n'ai pas de vélo, moi !

_Ah ben c'est sûr que déjà à pied, ça fait une trotte, mais alors avec tes chaussures, ça prendra la soirée !

Je le regardai, l'air exaspéré. Il riait dans son coin, tout content de sa blague. Il n'avait pas tort. Mes chaussures étaient…massives.

David se retourna.

_C'est pas fini de piailler, tapettes ?

Tania lui mis une tape derrière la tête alors que la prof écrivait chiffre pour chiffre le calcul qu'avait fait Yann.

« Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour être à la place de David… Â»

Je n'avais aucune chance avec elle. Pourquoi est-ce que je continuais me faire autant de mal ? Cette fille était à cent lieux de moi.

 

 

 

 

L'heure de la récré sonna, au grand soulagement de la classe. Deux heures de mathématiques fatiguait plus que la blessure qui me parcourait le torse. Elle était toujours aussi douloureuse. Mais je m'y étais habitué. Cela me rendait différent, en quelque sorte. J'aimais ça.

Je fis grincer mes canines, regardant d'un œil sévère ces imbéciles, incapables de comprendre quoi que ce soit.

Parce que différents, innocents, insouciants, ils ne l'étaient pas. Ils n'avaient seulement pas un point de vue assez large. Moi non plus d'ailleurs. Et c'était bien là le problème.

Une question de points de vue. Je ne comprenais pas ce qui arrivais car j'étais trop centré sur ma personne.

« Et si je n'étais pas le problème ? Si je ne l'avais jamais été ? Â»

De loin, Yann me fit signe de la tête pour que je les rejoigne, lui, David, Tania, Marek…

Les récents évènements les avaient rapproché. Mais je ne faisait pas partie de leur groupe.

D'un signe de tête, je déclinai son offre et partis de mon côté, le sourire en coin.

Je n'avais pas besoin de compagnie. J'avais besoin de réfléchir, besoin de marcher.

J'avais la sensation d'effleurer du bout des doigts la solution au problème. A moins que cela en soit seulement une parmi d'autres.

J'avais toujours résonné comme si j'étais le problème, m'incluant dans chacune de mes hypothèse en tant qu'élément de base.

« Et si je n'étais dans le problème que par erreur ? Si je n'étais là qu'en tant qu'élément de base ? Â»

C'était fort probable. Je n'étais qu'un gamin. Je n'avais été qu'un dommage collatéral.

_On ira le voir ce soir, si tu veux.

Yann se posa à côté de moi, sur les marches.

J'avais pris l'habitude de faire le tour de la cours pour aller me poser en face du stade d'athlétisme. Personne n'y allait jamais, sauf pour les cours de sports. J'y avais mon refuge perso.

D'autres bruit de pas se firent entendre.

Je restai à regarder devant moi, tandis que Tania s'assit en contre-bas, que David se mis sur ma gauche. Un dernier se mit derrière moi.

_Tu n'es pas seul Thomas dit David.

_Tu ne l'es plus renchéri Marek.

_Alors cesses de faire comme si c'était toujours le cas acheva Tania.

« Touché. Â»

_C'est très sympa à vous.

Je me levai de l'escalier et me tournai vers eux.

_Si j'ai besoin d'un coup de main, je vous appellerais sans faute !

_T'as plutôt intérêt…dit Marek en hochant la tête.

C'était adorable de leur part, mais je savais d'avance que je ne ferais pas appel à eux.

« Trop dangereux… Â»

_Bon, et bien, nous allons à la salle ?

Ils se levèrent puis ramassèrent leurs sacs.

C'était vraiment adorable de leur part de me soutenir ainsi. Je supposai sur l'instant que j'aurais fait la même chose pour eux.

Je ne le supposais pas vraiment. Je l'espérais, plutôt.

J'espérais tellement de choses, en réalité. J'essayais tant bien que mal de garder le contrôle de la situation, tandis qu celle-ci me glissait des doigts de minutes en minutes.

J'avais même parfois l'impression que mon corps lui-même échappait à ma volonté. Toutes ces pensées dont j'avais l'impression qu'elles venaient parfois de quelqu'un d'autre que moi, et tous ces sentiments…

En m'approchant de la classe, je regardais autour de moi, mes amis marchant à mes côtés.

« Et si j'étais tout seul ? S'il ne me servaient à rien ? S'ils n'étaient là que pour se donner bonne conscience ? Â»

Je m'en voulu de me poser ce genre de questions. Mais j'étais rarement celui vers qui on allait pour aider. J'étais le fantôme du coin de la classe, celui dont on parlais lorsqu' aucun autre sujet ne venait à l'esprit.

Pourquoi cela changerait-il ? Est-ce que je m'étais trompé à ce point sur la manière dont les autres me voyaient ?

« Quelle importance ? Ils sont là… Â»

_Ils sont là, murmurai-je en regardant mes amis.

_Qui sont là ? demanda Marek d'une voix distraite.

_Les envahisseurs répondis David.

Tout le monde rit  de bon cÅ“ur, même si sa blague n'était pas si drôle que cela. Pourquoi me torturais-je de la sorte alors que le principal était qu'ils soient présents lorsque j'en avais besoin.

Les cours furent intéressants, pour une fois. Cela venait sûrement du fait que je n'y avais pas mis les pieds depuis un mois.

 

 

 

 

Au lieu de renter chez moi le midi, je décidai de rester manger avec la bande. Nous allâmes nous acheter un sandwich au Point Chaud près du lycée pour ensuite aller sur le terrain d'athlétisme derrière le lycée, là où quelques groupes dispersés étaient en train de manger.

Avoir Tania à côté de moi, dans l'herbe, me faisait bizarre. J'étais heureux, mais frustré de ne pas être véritablement avec elle. J'avais envie d'exploser, de montrer tout ce que j'avais en ce moment si parfait.

On se sentait si bien là. Le vent caressait mon visage.

_Alors, dit Marek, la bouche à moitié pleine, il paraît que tu as une immense cicatrice ?

Je tournai mon regard vers Yann, prenant un air désabusé. Mais même cette question ne pouvait enlever cette bonne humeur qui siégeait en moi.

_Sérieux ? s'étonna Tania. Fais voir ?

Cela aurait été un des garçons, je l'aurait envoyé gentiment chier. Mais c'était Tania. Il fallait faire preuve de plus te tact.

_Je ne préfère pas la montrer… Elle est assez impressionnante.

« Merde, je n'aurais jamais dû dire ça. Si tu voulais la dissuader, Tom, c'est raté. Â»

_Ben justement, raison de plus, renchéri David.

« Après tout…Si ça lui plais. Elle pourrait être impressionnée ? Â»

J'avais pourtant quelques raisons de ne pas la montrer. Non seulement j'étais complexé par mon petit bide sans abdos, mais aussi –et surtout- je ne voulais pas trop en dire sur comment je me l'étais faite.

Je soupirai devant l'insistance générale et me levai tranquillement. Une fois devant eux, je relevai mon tie-shirt.

Les réactions furent à la hauteur de ce que je redoutais. Yann baissa les yeux vers le sol, David porta la main à sa bouche tandis que les larmes montaient aux yeux de Tania. Marek se contenta seulement de me consoler.

_Bah putain, fit-il, les yeux fixés sur les quatre marques de griffes.

Je me rassis aussi lentement que je m'étais levé et recommençai à manger.

« T'as raison, pour péter l'ambiance, il n'y a pas mieux ! Â»

_C'est… Ce n'est pas…

Tania cherchait avec difficulté ses mots, si ben que je ne savais pas vraiment où elle voulait en venir.

_C'est pour cela que tu es resté cloué au lit pendant des semaines ? Mais c'est arrivé comment ?

Elle me regardait droit dans les yeux. J'avais presque le sentiment qu'elle regardait en moi. Les autre devaient probablement me regarder aussi, mais son regard captait toute mon attention.

_Des fois, je me dis que c'est arrivé à quelqu'un d'autre, que je n'ai rien à voir avec ça.

J'essayai sur l'instant de me rappeler avec exactitude ce qu'il s'était passé.

« Il y avait la maison. J'étais dans la salle de bain, et quelque chose était de l'autre côté de la porte. Â»

_Quelque chose…

Je me rendis compte que tous était pendus à mes lèvres, ne comprenant pas à quoi je faisait allusion.

_De quoi tu parles ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda David.

Même Yann n'en connaissait pas la réponse. Je n'étais moi-même pas sûr de savoir. Je posai les yeux sur la tomate qui dépassait du sandwich de Marek.

_Il y a plusieurs semaines, je me suis fait attaquer chez moi.

_Par qui ? enchaîna rapidement Marek, posant par la même son déjeuner.

_Attends, laisses moi finir. Ce truc, cette chose qui m'a attaqué, ça n'était pas humain. Une espèce de… De loup garou rouge.

« Le mec qui a raconté avoir ramassé un poil de dessous de bras appartenant au yeti doit sûrement être plus crédible que moi. Â»

David prit une longue inspiration.

_Tu dois avoir subit un choc émotionnel qui a fait que tu as substitué la réalité avec des croyances ou du moins des images appartenant à ta culture. Être attaqué chez soit est extrêmement traumatisant, vu que c'est là où tu te sens théoriquement en sécurité. Du coup, ton agresseur sûrement vêtu de rouge, est devenu par la suite quelque chose de non-humain, quelque chose de fantastique, afin de refouler la réalité de l'agression et de faire passer cette dernière pour un cauchemar.

Nous regardâmes David, les yeux écarquillés.

_Ma mère est psychologue dit-il en approuvant notre réaction d'un hochement de tête.

C'était tout à fait faisable. Cela n'expliquait pourtant pas la blessure qu' Â« il Â» m'avait fait. Mais sa démonstration me rassurait suffisamment pour que je la prenne comme raisonnement logique.

_Mais c'est arrivé quel jour ? reprit Yann.

« C'est vrai, c'était quel jour ? Â»

_Je sais plus dis-je d'un air désolé.

_Regardez moi ça enchaîna Marek en montrant une fille d'un signe de tête.

Je savais qu'il souhaitait changer de conversation, et je lui en étais gré.

_Ca n'a pas l'âge de voter que ça porte déjà un string.

J'ignorais que Marek était si à cheval sur ce genre de chose.

Machinalement, je tournai la tête en direction de la « fille au string Â», histoire de voir si… Si c'était si voyant que ça.

_Alors vous, les mecs, pour mater, vous êtes forts, tiens !

Nous étions effectivement tous en train de regarder la jeune fille, oubliant par la même Tania qui ne manqua bien sûr pas de montrer son mécontentement. Le regard lointain, dans une direction opposée à la fille, elle soupira.

_Si elle veut mettre un string, continua-t-elle, ça la regarde, pas de quoi en faire toute une histoire !

David explosa de rire.

_Si elle ne veut pas qu'on la regarde, elle n'a qu'à ne pas l'exposer à tout le monde !

Marek et Yann approuvèrent d'un signe de tête, affichant tous deux un grand sourire. Ils n'avaient pas tort. La réaction de Tania était légèrement exagérée, d'autant plus que la présence d'un string rouge dépassant un pantalon taille basse noir avait du mal à paraître anodine.

_Attends, c'est quand même son choix que de s'habiller comme elle le souhaite, et vous, vous la matez tout ça parce que…Bon c'est vrai, c'est un peu voyant.

_Et toi, Tania, tu portes un string ? demanda Yann.

Elle devînt pale sous l'interrogation surprenante de Yann puis, rapidement, la couleur de son visage vira au rouge vif. Marek et David étaient tous deux pliés de rire tandis que ce sacré plaisanté semblait réellement attendre une réponse.

Elle bafouilla quelques mots absolument incompréhensibles, du moins lorsqu'ils étaient audibles.

_C'est mon affaire, ça ! finit-elle par dire

Je me mis à rire à mon tour, face à la gène de Tania qui de tous temps m'avait semblé si sûre d'elle. Elle nous dévisagea, chacun notre tour, puis sourit.

_Bandes de cons !

_Ouais ! dis-je, tout content.

Elle me jeta un regard qui me fit me déconnecter de la réalité durant quelques secondes. J'en frissonnais lorsque Yann nous rappela qu'il restait encore une demi-heure devant nous avant la reprise des cours.

Nous passâmes quelques minutes, bercés par le silence des autres criant et se courant après, d'immenses platanes dont les milliers de feuilles bougeaient et virevoltaient au gré du vent et par les oiseaux piaillant de toute leur force.

Un grondement se fit entendre.

_C'est quoi ça ? dit David.

_J'en sais rien, répondis-je inutilement.

Le grondement ne dura que quelques secondes avant de s'amplifier de telle manière que le sol paru trembler.

Lorsque cela finit, seul le vent se permettait encore de faire du bruit. Même les oiseaux faisaient silence.

Peu à peu, des chuchotements venant des quatre coins du stades se firent entendre. Yann posa son regard sur moi, sérieux.

Je poussai un long soupir.

_Tu sais ce que c'est ? me demanda lentement Yann.

_Non, je n'en sais rien.

_Comment peut-il savoir ce que c'est, crétin !

David mis une tape sur l'épaule de Yann, lequel porta la main à cette dernière.

_On aurait dit une explosion, comme si un bâtiment avait sauté, signala Tania qui n'avait même pas remarqué le coup de David.

_Tu veux dire qu'on a subit une attaque ?

Marek, jeune homme confiant, montrait un peu trop d'inquiétude pour que je me sente totalement rassuré.

_Des terroristes ? enchaîna David.

_Bah tiens, tu peux te foutre de moi, avec tes questions ! rétorqua Yann en riant.

_Il va falloir qu'on aille à la casse ce soir lui fis-je.

_Et comment comptes-tu y aller ? Tu n'as pas de vélo !

Tania leva les yeux vers nous.

_Vous voulez aller à a casse pour quoi ?

Marek acquiesça. Il avait dû comprendre le lien.

_Tu veux aller voir la voiture de Nataniel, dit-il. Toi non plus tu ne crois pas aux conneries des gendarmes… J'ai une voiture, je peux vous y amener.

David et Tania nous regardèrent tous deux avec un air interrogateur.

_Je viens, dirent-ils en même temps.

 

 

 

 

Les nuages rouges commençaient à cacher ce qu'il restait du soleil de cette journée lorsque nous sortîmes du lycée. Une teinte rouge couvrait alors la ville, ce qui était assez inhabituel pour la saison.

Chacun en sortant du lycée appela ses parents, avec plus ou moins de réussite. Marek engueula sa mère afin qu'elle le laisse nous conduire tandis que David et Yann marchandaient avec leurs parents respectifs.

Tania quant à elle eut à affronter au téléphone le refus de son père à ce qu'elle nous accompagne.

_Je sais ce que je fais, papa, je suis assez grande pour me protéger !

« Ainsi la fille au caractère bien trempé est-elle seulement surprotégée par son père. Elle a peut être un grand frère, ce qui expliquerait bien des choses… Â»

Finalement, son père flancha et lui permis de nous rejoindre. Toute contente, elle nous rapporta la bonne nouvelle en rangeant son portable.

Pour ma part, j'appelai mon père, sachant très bien que jamais ma mère ne me laisserai aller me balader avec des potes par les temps qui couraient, d'autant plus lorsque la nuit tombait.

« Ce serait un comble que je sois le seul à ne pas pouvoir venir ! Â»

Le téléphone sonna une fois, puis deux, puis trois. Le répondeur se déclencha à mon grand soulagement.

_Oui, papa, ben c'était moi. C'était juste pour te dire qu'avec les potes, on allait se balader en ville, et que je viendrais peut être un peu plus tard.

Je m'éloignai quelques instants du groupe afin de rajouter LA phrase qui serait susceptible de le rassurer

_T'en fais pas, je ferais attention…Allez, à ce soir !

Je raccrochai le téléphone, accompagnant mon geste d'un soupir. Je fis un signe de tête a destination des autres afin que nous prenions la direction de la voiture de Marek. *

_T'avais pas dit que tu avais une voiture ? se moqua Yann.

_C'est quoi ça ? dit Marek en montrant son engin.

_C'est une tondeuse à gazon avec un toi et des sièges par dessus.

J'échangeai un regard avec David qui, amusé, devait comme moi être d'accord sur l'Etat douteux de cette…automobile.

Après avoir tenté tant bien que mal de trouver chacun une place dans la petite voiture toute rafistolée de Marek, ce dernier démarra.

 Tout se mit à trembler : les fenêtres, les portes, le capot du moteur même, comme si elle était atteinte de la maladie de Parkinson.

Sur la route, je me rendais peu à peu compte que nous partions vers l'aventure. Un sentiment d'excitation me poussa à expliquer aux autres le peu de choses que je savais, ou du moins, que je croyais.

_Voilà ce que je sais, dis-je un peu fort afin d'être entendu de notamment de Marek et de Tania, à qui avait naturellement laissé la place de devant.

_Il y a quelques mois, j'ai commencé à faire des rêves super bizarres, où une bataille avec des anges et des espèces de démons se déroulait. En fait, il s'agit d'un rêve, mais qui est de plus en plus complet à chaque fois.

Tout en parlant, l'image de la bête bleue qui fonçait sur moi dans le dernier de mes rêves revînt à l'esprit.

 Je cherchai dans mon esprit à la comparer avec ce que je me souvenais de la chose rouge qui m'avait attaqué.

« C'est vrai qu'elles semblent si… Â»

Je revînt de mon moment d'absence alors que Yann continuait l'histoire en faisant référence à ce que j'avais dit à Nataniel, et l'incident au lycée, le soir de son accident.

_Attends, coupa David, tu veux dire qu'une sorte de fantôme de Nat' t'a attaqué alors qu'il venait d'avoir l'accident ?

_Pas exactement, repris-je. Je dis juste que celui qui m'a attaqué ressemblait à Nat', et que j'ai eus une sensation très bizarre avant qu'il ne m'attaque. Après, je me suis fait attaqué chez moi…



Voir Chapitre 5 Partie 2




24/11/2006
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