Questionnement douteux

A chaque idée, ses doutes. A chaque projet, ses limites.


Le temps est venu pour moi de m'interroger sur les miennes.
Alors je pense, tourne en rond, pas à pas, lis, écris, puis efface.

Un abandon? Point! Jamais! Quelle idée?
Alors quoi?



A l'heure où j'écris ces quelques lignes, je travaille, à l'usine. Entrepôt fermé, couleurs froides et climat chaud.
Je tire le transpalette, pousse les colis, soulève bobines de plastique et autres roulaux de cartons.
Et puis, lorsque la chaîne fonctionne et que le temps vient à s'offrir à moi, je pique une ou deux fiches suiveuses, et en profite pour gratter à l'abris des regards -non pas indiscrets, mais Ô combien repressifs!

Je fais tout ceci, sans broncher, sans pestiférer. Pourquoi? Parce que l'argent, il en faut mettre de côté. Bientôt pleuvront les frais. Bientôt, je devrais être prêt.

Mais alors pourquoi tant se questionner si déjà le choix est fait?

L'un empêche pas l'autre, et le doute donne chaque jour assaut plus fracassant que la veille sur la forteresse de ma raison.
Vais-je céder?



Au jour où j'écris ces lignes -mes lignes- je dois l'avouer, de mon projet, mes écris ne sont pas dignes, et peu viennent les commenter.

Je communique, me lève et cris sur les toits! JE SUIS LA!!!
Mais rien n'y fait, rien de ce que j'écris n'est pour autant transformé.
Donc, tel la communauté, je pars en quête!
De quoi?


De moi! Ecrire, oui, mais à quoi bon, si je n'ai pas mon propre style? Si moi-même, je doute et tremble face à l'encre indélébile?

Mais rends-toi à l'évidence! Mon pauvre Thomas, tu dois te trouver toi-même, si tu ne veux pas que les autres te cherchent après!

Mais... Quoi? Je ne vous ai pas dit? Oh, je vois!
N'ai-je pas précisé quand avais-je ces interrogations commencé?
Et bien, sachez-le, elles seront bientôt terminées!


Mes amis, qui me lisez ; qui ,parfois, commentez -trop peu souvent- je le clame, l'annonce et le crains!!!





J'ai bien peur, aujourd'hui, de devenir réel écrivain.





Thomas Carnicer

02/09/2007
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Call Of Nemesis : La Plume Rouge (Partie1/2)

    La plume rouge

  De Thomas Carnicer ©Copyright 2007

  

 

 

Chapitre 1 : La Tempête

 

 

 

Il pleuvait. D'un autre côté, c'était tout à fait normal. La météo avait prévu hier soir une pluie torrentielle sur l'Est de l'Espagne. Le village n'était donc pas épargné.

Une à une, un à un, les tables étaient nettoyées, et les verres, essuyés.

Bientôt le bar allait fermer ses portes pour la journée. Un soupir de soulagement vint naturellement. Les longues heures de boulot accumulées dans la journée se faisaient maintenant sentir sur le physique et sur le moral. Le travail en soi n'était pas forcément dur, mais assumer la fermeture était épuisant, surtout lorsqu'on était seul.

_Il ne reste plus que les torchons à ranger, et je ferme !

A quoi bon parler seul ? Peut-être pour se rassurer.

Bien que cet endroit fusse accueillant en pleine journée, ce n'était pas forcément le cas à cette heure, d'autant lorsque le déluge attendait patiemment de tremper jusqu'aux os sa dernière victime.

Quelques éclairs illuminèrent la pièce. Le tonnerre, un sursaut, le torchon glissa des mains et atterrit sur le sol.

_Maudit orage !

Des yeux désormais expérimentés vérifièrent rapidement l'ensemble de la pièce.

_Bon ! Et bien j'ai fini !

Enfin.

Le bruit d'une respiration encore haletante fut couvert par la porte qui claqua.

Dehors, le vent contraignait à se cramponner au mur. Il était vraiment temps de rentrer.

Maintenant, voilà que c'était la grille qui faisait des siennes !

_Tu vas t'abaisser, fichue grille ! Je veux rentrer chez moi !

Dans un fracas monstrueux, la grille s'exécuta. Très rapidement, la clé, la serrure, le verrouillage.

 

 

 

_Enfin chez soi !

Cela faisait un sacré moment que je n'avais pas été aussi contente de terminer une journée. J'avais vraiment les os glacés. Je me dépêchai de poser mon sac à main, d'enlever mon manteau trempé, encore ruisselant, et d'ôter mes chaussures que je mis sur les talons contre le mur.

Je courus ensuite vers la salle de bain chercher une serviette.

Je détestais que mes cheveux soient mouillés. Sans doute parce qu'ils mettaient toujours des heures avant de sécher complètement.

_Oh, et puis zut !

J'envoyai valdinguer dans la petite salle de bain mes vêtements. Un peignoir, des pantoufles, et j'étais la plus heureuse des femmes, pensai-je en rigolant.

J'étais surtout bien plus au chaud.

De mes pieds traînards, je parvins jusqu'au frigo où une bouteille de lait m'attendait. Dans le placard de droite, du chocolat en poudre. Le meilleur.

Quelques minutes et une sonnerie de micro-onde plus tard, j'avais un chocolat chaud délicieux dans les mains.

Exactement ce qu'il me fallait, avec une série télé.

Vu comme cette soirée s'organisait, j'étais partie pour me faire un bon petit plateau télé. Déjà que la flemme de cuisiner pour moi toute seule était forte, elle triompha particulièrement ce soir.

Et c'est ainsi que se passa la soirée : le plateau repas, la télé et moi.

_La vaisselle ? lançai-je avec un air de dégoût. Je la ferais demain !

 

 

 

Un air pur me fit doucement ouvrir les yeux. Je sentis un contact délicat sur ma peau.

Une plume blanche. Elle virevolta quelques temps au gré du vent, puis se posa délicatement, rejoignant les millions, voire les milliards de plumes qui jonchaient le sol de cette plaine.

Je levai la tête. Toutes ces plumes...

Elles volaient, chacune dans une direction, sans pour autant jamais s'entrechoquer. L'une d'elle, toute rouge, se dirigea vers moi.

Je tendis la main. Elle s'y posa. C'était une magnifique plume, dont la couleur éclatante contrastait avec le blanc du paysage.

Mais une étrange sensation me dérangea rapidement. Je tendis la main vers moi.

Une goutte coula de la plume jusqu'à mon poignet. Je mis quelques secondes avant de m'apercevoir qu'il s'agissait de sang.

Surprise, je soufflai immédiatement sur la plume maculée, qui découvrit en s'envolant une tâche de sang sur ma main.

Je la fixais, sans comprendre, lorsque au loin, derrière elle, je vis Xavier à genoux, blessé.

J'accourus, criant son nom, terrifiée qu'il lui soit arrivé quelque chose.

Mais ce n'était pas lui. Bien sûr, cet homme devant moi lui ressemblait. Mais ce n'était pas lui, j'en étais certaine.

_Qui êtes-vous ?

Il me regarda, l'air anéanti, fatigué par sa blessure.

_La… La vraie question… N'est pas de savoir qui… Je suis. dit-il. La vraie question est de savoir qui tu… es toi.

_Qui je… répétai-je, immobile.

Il me regarda quelques secondes. Les gouttes de sang qui s'échappèrent de son abdomen allèrent s'écraser sur le sol, contaminant les plumes de la couleur écarlate.

J'étais incapable de dire quoi que ce soit. Comme pour me tirer de mon mutisme, il répondit, la voix toujours saccadée.

_...L'avenir.

Puis il appuya sur son abdomen. Un cri. Il se tordit de douleur.

Soudainement, toutes les plumes s'envolèrent devant mes yeux.

 

 

 

Ce qui normalement était la douceur matinale de mon lit fut une véritable torture. Prise de nausées, il fallut que je retienne mon envie de vomir.

Quel était donc ce rêve ?

Dans la salle de bain, je regardai le lavabo. Si je devais vomir, ce devait être ici. Peut être avais-je attrapé quelque chose avec la pluie de la veille. Je regardai mon reflet dans la glace. Mon mal avait pu être conséquent du rêve. Mais comment un simple rêve pouvait-il avoir autant d'influence sur moi ?

Cette question me troubla durant tout le temps que dura ma préparation qui, heureusement pour moi, fut machinale.

Pas le temps ni l'envie de me coiffer. Je me fis une queue de cheval, et pris sur moi pour être prête à l'heure.

 

 

 

Bien que je ne fusse pas dans mon meilleur état, je saluai d'un geste de tête la grue du village en fermant la porte de ma maison.

Elle avait changé de place depuis hier matin. Sans doute un nouveau lotissement à construire.

Je marchai lentement, encore étourdie de mon réveil. Fichu rêve. Il allait me gâcher la journée.

Je fis donc quelques mètres, en évitant de trop regarder le ciel et son soleil éblouissant.

Un bruit de clôture se fit entendre. Ce devait être Xavier qui sortait de chez lui.

Au bout de la rue, je le vis effectivement m'attendre. Mais je n'avais décidemment pas envie de presser le pas.

_Alessandra ? Tu viens ? On va être en retard ! lança-t-il.

Il se rapprocha de moi.

_Ca ne va pas ? Tu n'as pas l'air en pleine forme. dit-il en arrivant à ma hauteur.

_Si, si, ça va. J'ai seulement la migraine... dis-je en portant la main à ma tempe.

_T'aurais pas encore fait la fête ? dit-il, d'un air amusé.

_Non... J'ai assez mal dormi. En plus, j'ai fait un rêve horrible…

_Ah ? Raconte ?

Je portai mon regard sur lui. Même s'il était depuis un bout de temps mon ami, je n'allais pas lui parler du rêve. Rêver de son ex n'était déjà pas vraiment plaisant, mais alors en discuter avec lui, ça, jamais !

De toute manière, il nous fallut que quelques minutes pour rejoindre le bar.

Le village n'étant pas bien grand, il fallait environ un quart d'heure pour le traverser. Cela allait changer avec ces nouveaux lotissements.

 

 

 

Mon uniforme m'attendait là où je l'avais laissé la veille.

_Bonjour, les jeunes ! Alors, on est en retard !? apostropha Inès derrière moi.

_Non, non… Nous sommes à l'heure !

Elle sourit.

_Voyons tu sais bien que je vous taquine ! Je ne vais pas pinailler pour une petite minute en plus ou en moins !

Puis elle s'en retourna dans l'arrière boutique.

Sans pinailler, elle m'avait tout de même fait remarquer que j'étais en retard, et qu'elle l'avait noté.

_Fais pas attention. Elle l'a pas dit méchamment, dit Xavier.

J'acquiesçai, de fainéantise de parler. De toute façon, cela faisait partie de son caractère.

L'ouverture se fit avec les habitués. Des retraités pour la plupart, qui passaient leur temps à jouer sur la terrasse, même en ce mois d'Octobre.

_Bonjour, ma petite Alessa, dit Luis. Comment ça va ce matin ? Tu as vu, ils construisent encore d'autres maisons avec cette fichue grue...

Je me contentai de répondre poliment.

_Et comment vous allez, tous les deux ? me lança-t-il d'un air complice.

_Je ne suis plus avec Xavier depuis un mois et demi, Luis, répondis-je, lentement.

_Ah... Excuses-moi, je ne m'en souvenais plus, dit-il, désolé. Tu sais, à mon âge...

Ca pour le savoir, je le savais. Cela me faisait quelque part de la peine qu'il ne se souvienne jamais d'une fois sur l'autre les questions –et surtout les réponses- de la veille. 

Je vis qu'il cherchait autre chose à me dire, afin de ne pas terminer sur une maladresse. C'était touchant de gentillesse.

_Et pour cette fin de semaine ? Tu as prévu quoi, dis moi ?

J'éclatai de rire. Il n'allait pas aimer la réponse.

J'avais prévu de sortir avec mes copines le samedi, à Barcelone.

La journée, en ville, pour voir mes parents et la nuit, en boîte, jusqu'à plus d'heure.

Le dimanche serait pour récupérer.

_Oh ! Ce n'est plus de mon âge ça ! dit-il en se levant pour partir avec un geste de la main. Bon ! Je te laisse ! Portes-toi bien !

Me porter bien... Il n'avait pas idée du mal que je me donnais pour paraître réactive et éveillée.

Même si, routine oblige, la journée passa dans l'ensemble assez rapidement, ce fut dur.

Des coups de barre, des maux de têtes, mais c'était surtout le fait d'avoir toujours à l'esprit la plume rouge dans ma main. Ce rêve avait quelque chose de familier, sans que je puisse savoir quoi. Cela me contrariait, comme lorsque l'on a une réponse sur le bout de la langue, sans pour autant pouvoir la prononcer.

La seule attraction de la journée fut l'arrivée de deux jeunes français qui, dans un espagnol sommaire, me demandèrent deux baguettes de pain et deux glaces trois chocolats.

Habituellement, les étrangers venaient durant l'été et non en ce début d'Hiver. Les français étaient particulièrement nombreux dans cette région, ce qui n'était pas pour plaire à tout le monde. Pour ma part, je me régalais toujours, presque avec sadisme, de voir le mal avec lequel ils essayaient de s'exprimer.

 

 

 

Ma migraine passa dès le vendredi soir, ce qui me permit de me préparer physiquement et mentalement pour la journée du samedi. Je fus heureuse de ne plus faire de rêve aussi perturbant.

Le week end se passa exactement comme je l'avais expliqué à Luis.

De retour le dimanche après midi, j'avais élu domicile le fauteuil du salon. Devant la télé, la loque à moitié endormie que j'étais regardait les films. A moitié toujours.

_J'ai rien compris à ce film. C'était vraiment mauvais, marmonnai-je.

J'éteignis la télé, les yeux quasi-closs. Quitte à dormir, autant retrouver mon lit.

Un long soupir de satisfaction plus tard, j'étais vautrée sous les couvertures, prête à être accueillie par Morphée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Chapitre 2 : Terreur Diurne

 

 

C'était comme si je revenais quelques jours en arrière. Tout y était. La plaine, l'air doux, les plumes, le sang...

Même lui.

Cette fois-ci, le ciel s'était couvert. De rares gouttes de sang tombaient sur les plumes blanches. J'en reçus une sur le visage.

Je ne comprenais pas. J'étais là, à contempler ce qui ne pouvait être un rêve. Ce n'était pas pour autant réel. Enfin, je présumai que cela ne le fusse pas.

_Je connais cet endroit...

Je regardai tout autour de moi l'étendue quasi infinie. L'homme qui était à côté de moi, toujours à genoux, en fit de même.

_C'est intéressant comme l'on s'attache à des choses, sans pour autant comprendre l'importance qu'elles ont.

Il me regarda, l'air grave.

_On aimerait qu'elles ne changent jamais, continua-t-il. Mais elles changeront. Elles changeront plus vite que tu ne le crois.

Je secouai la tête pour lui signifier mon incompréhension. Il baissa les yeux, quelques instants, comme pour regretter mon manque de sagacité, puis il reporta son regard sur moi.

_Ce que tu possèdes. Ceux que tu aimes. Tu les perdras.

_Non...

_Accepte-le.

Je reculai, les yeux pleins de larmes. Son regard triste me les fit couler.

_De quel droit...

 

 

 

_De quel droit ! sanglotai-je dans mon lit.

Je balançai d'un coup de rage mon oreiller imbibé de larmes.

J'en avais mal au ventre à autant pleurer. La respiration me manqua. Suffocante, je tâchai de reprendre mon souffle, tout en cherchant de mes pieds ma paire de pantoufles, et de mes yeux quelque chose de joyeux qui puisse me réconforter.

Je ne trouvai ni l'une, ni l'autre.

Pieds nus, je me mise debout. Quelques pas plus tard, dans le couloir qui menait à la salle de bain, et après avoir quelque peu titubé, je tombai à genoux.

J'en profitai pour vomir tout ce que j'avais, pourvu que cette tristesse s'en aille elle aussi.

Mais mes larmes continuèrent de pleuvoir sur le sol.

Lentement, je me recroquevillai sur moi-même. Pour pleurer. Pour me rassurer. Pour me calmer.

Je n'étais même pas sûre de savoir pourquoi je pleurais. Ce n'était pas seulement de la tristesse. C'était aussi de la peur. Peur que ce n'eusse pas été qu'un rêve. Peur qu'une part de vérité puisse s'y cacher. Peur de perdre tout ce que j'avais.

Je me remis à pleurer.

Que pouvais-je faire d'autre ? Demander de l'aide ? A qui ? Faire quelque chose ? Mais quoi ?

_Je... Je dois....

Le retrouver. Je devais en avoir le cœur net. Je devais savoir si...

N'y pensons pas.

Je ne devais retourner dormir. C'était la seule façon pour moi d'être sûre.

Une fois relativement calmée, je me réinstallai dans mon lit, pris mon oreiller humide, et le  changeai de côté.

Une fois. Deux. Trois. Quatre.

Je comptais le nombre de fois que je me retournais dans mon lit. L'angoisse avait maintenant pris le pas sur la tristesse.

Durant ce qui me parut une éternité, je cherchai le sommeil, en vain. Je sursautai.

Le téléphone sonnait.

_Qu'est-ce que... Oh non !

Et pourtant, si. J'avais totalement oublié l'heure. Je devais avoir quelque chose comme deux heures de retard.

Avant de décrocher, je m'assurai d'être assez convaincante, tout en évitant d'affoler ce que je devinai comme mon interlocutrice.

D'une voix très légèrement saccadée, qui camoufla mon anxiété pourtant horriblement présente, je répondis.

Au bout du fil, Inès qui, sans surprise, souhaitait savoir pourquoi je n'étais pas venue ce lundi. Je vis l'heure sur la pendulette de l'entrée. Il était une heure moins le quart.

Ainsi j'avais donc dormi.

Sans mal, je feintai la maladie. Elle fut apparemment assez convaincue. Trop, sûrement.

_Dès que Xavier a sa pause, je lui demande de venir te voir.

_Non, non... Ca va aller, Inès, je t'assure !

_Laisse-moi faire. Occupe-toi de bien te soigner !

Je raccrochai. Je ne souhaitais pas voir Xavier. Pas aujourd'hui. Pas pour ça.

La première fois, c'était aussi parce que j'allais mal que...

Bref, je n'avais pas envie de recommencer. D'autant que cette fois, c'était quelque chose de différent. Cela n'avait rien à voir avec une mauvaise rupture.

Je me remis dans mon lit. Cet appel m'avait permis de me rattacher à la réalité des choses. Sans pour autant voir mon anxiété disparaître, j'y voyais un peu plus clair.

J'allais rester dans mon lit, récupérer, et retourner au boulot demain.

Le temps de fermer les paupières, on toqua à la porte.

_Xavier... Grommelai-je.

Trop fatiguée, je préférai rester dans mon lit plutôt que de me risquer à ouvrir.

Le connaissant, inquiet, il m'aurait posé des tas de questions, m'aurait forcé à dire ce qu'il n'allait pas. Et puis m'aurait réconfortée. La bonne poire que j'étais n'aurait eu qu'à fondre en larmes et à se jeter dans ses bras.

Il appela plusieurs fois. Puis ce fut le silence. Tant mieux. Après une bonne nuit de sommeil, je serai requinquée. A moins que...

Et si je rêvais encore ? Une boule au ventre se forma presque aussitôt que j'eus formulé ma pensée.

Dans tous les cas, je devais dormir.

 

 

 

 


31/03/2007
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Call Of Nemesis : La Plume Rouge (Partie2/2)

 

Comme j'aurais voulu avoir tort. Comme j'aurais voulu que ce n'eût été qu'un rêve. Comme j'aurais souhaité que ces maudites plumes soient blanches comme la plus pure des neiges. Mais non. Seul l'écarlate avait désormais sa place ici.

Cette fois-ci, il se tenait debout, bien que sa blessure fût visiblement encore douloureuse pour lui.

Tant de questions me vinrent à l'esprit. Qui était-il ? Que voulait-il ? Comment cela se pouvait ? Tant de questions. Trop de questions.

_Pourquoi !? m'exclamai-je.

Voilà le seul mot qui était parvenu jusqu'à ma bouche.

_La réponse est devant toi, me dit-il, doucement.

Je détournai le regard de cet homme et contemplai le paysage rougeâtre.

_Je ne comprends pas !

Il me regarda, prenant tour à tour les apparences de Xavier, de Luis, puis de mon père, et ainsi de suite.

_Si tu ne comprends pas, c'est que tu n'as pas à comprendre.

Je soupirai d'impatience. D'anxiété, surtout.

Quelques plumes dans le ciel, blanches, volaient, aussi bien que si elles avaient appartenu à des oiseaux.

L'une d'elle se fit toucher par une goutte de sang. Elle tomba puis atterrit lourdement sur le sol, comme si...

_Mon Dieu...

Des larmes se mirent à couler le long de mes joues.

Je comprenais maintenant. C'était tellement évident. Depuis le départ, ça l'était.

Ce n'était pas un rêve. Pas plus que c'était un parterre de plume sous mes pieds.

Mon interlocuteur me délivrait ici un message.

Lui-même l'avait dit lors de nos précédentes rencontres. Cette plume venait de s'écraser comme morte sur le sol.

Pleine de sang, elle rejoignait au sol les milliards d'autres cadavres maculés.

Je portai ma main à la bouche, horrifiée. Mes yeux se fixèrent de nouveau sur lui.

Il acquiesça, plein de tristesse.

_Il approche... Le...

Un son au loin. Plus rien.

Encore un son. Plus rien.

 

 

 

J'ouvris les yeux, réveillée par le téléphone. Je ne pleurais pas. A quoi bon.

_Allo ? questionnai-je, la voix ensommeillée.

_Allo, Alessandra ? C'est maman ! J'ai reçu un coup de fil de Xavier qui nous a dit que tu n'allais pas bien.

_Tout va bien, maman. Je t'assure. J'ai juste eu une grippe.

Je devinai de son silence qu'elle était inquiète.

Quelques phrases, pour la rassurer ; un « je t'aime Â» et un « embrasses papa pour moi Â» suffirent à la faire raccrocher.

Je posai le téléphone, sans le quitter des yeux. Ainsi j'avais saisi ce qu'il voulait me dire.

Mais pourquoi me l'avoir dit à moi ?

Peut être voulait-il que j'agisse pour changer les choses... Ou pire, que je survive aux miens.

Quoi qu'il en fut, le message n'était pas complet. Je devais le retrouver, une dernière fois.

Cinq minutes. Voilà le temps qu'il me fallut pour atteindre la pharmacie.

Je sortis de là, les larmes aux yeux. Je venais de mentir à une amie d'enfance en prétextant une insomnie.

Chez moi, je posai tout en vrac, sans faire attention. Une boîte. J'en aurais bien demandé deux. Mais cela aurait été de trop.

Un verre d'eau plus tard, deux cachets étaient en train de se dissoudre dans mon corps. Normalement, il en fallait un seul, disait la boîte. Mais cette foutue boîte ne précisait pas ce qu'il fallait faire dans mon cas précis. Je me couchai, tout doucement.

Il me dirait quoi faire. Et rien ne me réveillerait cette fois.



Chapitre 3 : Les condamnés

 

 

Etait-il Dieu ? Et si je n'étais pas la seule à recevoir le message ?

L'instant hypnagogique ne dura pas.

Bientôt, s'offrirent à moi le paysage sanglant et ces corps maculés que j'avais appris à connaître.

L'homme semblait différent. Il prenait toujours depuis la dernière fois les apparences des gens que je connaissais, mais là, il était plus... Expressif.

_Tu dois partir. Quitte ceux que tu aimes, ta vie, ta maison. Quitte-les et maintenant.

Surprise, je lui demandai des explications.

_Il m'a retrouvé. Ce n'est qu'une question de minute avant que...

Il sembla distrait, quelques instants. J'étais abasourdie, incapable de bouger. Où aller ?

Il se reconcentra sur moi.

_Fuis ! Tu dois fuir, maintenant ! S'il m'a retrouvé, c'est qu'il sait probablement où tu te trouves !

Un fracas monstrueux. Un instant, la plaine vacilla, et forma une pièce de moyenne taille, puis revînt à son état d'origine.

Il se tourna vers moi. Son visage était redevenu calme et serein.

_N'oublie pas ce que je t'ai dit. Sauve-toi de ta vie.

Avant que je n'eus le temps de dire quoi que ce soit, une masse bleue énorme apparut. D'une rapidité fulgurante, elle se jeta sur l'homme qui hurla de douleur et disparut de ma vue.

A présent, seule la bête devant moi était visible.

Ses longs poils épais noirs étaient inclinés. J'avais devant moi une horreur à mi-chemin entre le loup-garou et l'araignée.

Ses quatre yeux jaunes regardèrent dans ma direction.

Terrifiée, je fis quelques pas en arrière. Je perdis l'équilibre. Ma vue se brouilla très vite.

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Un bruit sourd. Une douleur. J'étais tombée du lit. Je regardai autour de moi, prête à voir cette immonde créature.

Comme si elle avait pu tenir dans la chambre.

Du sang sur mon pyjama. Je saignais du nez.

La peur au ventre, les yeux vitreux, je courus à la salle de bain voir ma blessure.

Entre temps, en passant devant la porte d'entrée, je vis au travers de ses carreaux qu'il ne faisait pas encore jour.

Je pris un morceau de coton, l'imbibai de désinfectant, puis je m'en servis. J'avais cette impression de ne pas voir son propre reflet dans la glace. Je me sentis différente de celle que je voyais en face de moi.

Etrangement, l'alcool ne piquait pas. Je me demandais si c'était vraiment une blessure, lorsque je me souvins de ce qu'il m'avait dit.

_Partir !

En courant dans la chambre, je pris une valise. J'y enfournai mes affaires.

Un temps de latence.

Et les autres ? Ma famille ? Mes amis ?

Xavier.

J'irai chez lui, en premier, puis nous prendrions sa voiture pour aller à Barcelone. Oui. C'était une bonne idée.

Ma valise fut très vite prête, à grands renforts d'entassements d'affaires et de nourritures.

La bouche encore pâteuse, je me précipitai dans la salle de bain. La brosse à dent dans la bouche, je me posai la question de comment j'allai convaincre Xavier.

Aucune importance. Je verrai.

Je crachai dans le lavabo, posai la brosse à dent, puis relevai la tête. Je regardai mon reflet, quelques instants, tourmentée de questions. Je m'apprêtai à quitter ma maison, en pleine nuit, pour fuir, où que ce fût. C'était dément. Aussi dément que de voir mon propre reflet tenir la brosse à dent que je venais de poser.

Je fis un pas en arrière. Il se jeta sur moi. Je sortis de la salle de bain sans voir s'il traverserait le miroir.

Deux mètres plus tard, j'étais à l'entrée. A côté de la porte, la valise prête.

J'arrachai cette dernière du sol tandis que j'ouvrais la porte. Un frisson me parcourut le dos.

Un homme marchait dans le jardin, lentement.

Les images qui suivirent arrivèrent si vite. Le frisson étendit son emprise sur l'ensemble de mon corps. Il me sembla tantôt à la grille, tantôt juste devant moi, le visage décomposé, transformé.

La valise tomba sur le sol. Je claquai la porte en quittant l'entrée.

A l'intérieur, j'esquivai en fuyant les horreurs qui s'attaquèrent à moi. Des ombres dans le salon, un visage horrible à la fenêtre. Le mur parut se déformer à mon passage. J'hurlai.

D'autres cris vinrent sans que je n'eusse besoin de les pousser. Des cris horribles, de terreur.

Il me sembla qu'il était juste derrière moi, prêt à m'attraper.

Dans la chambre du fonds, j'ouvris la fenêtre. J'étais persuadée de l'avoir dans mon dos, tandis qu'une présence au-dessus de moi me tétanisa un court instant. Ils seraient derrière la fenêtre. Je m'attendis d'une seconde à l'autre à revoir le visage décomposé.

Je fermai les yeux et sautai.

La douleur de la chute permit un court instant de les oublier eux, et ces cris. Des sons de verres brisés retentirent dans la maison. J'enjambai le muret du voisin et courus le plus loin possible devant moi, sans avoir ni le temps ni le souffle pour hurler à l'aide.

De moins en moins de ces choses s'attaquèrent à moi, au fur et à mesure que mes jambes m'emportaient au loin dans le village assombri.

Je courus jusqu'à ce qu'elles perdent définitivement ma trace, jusqu'à n'en plus pouvoir.

Je tombai à genoux dans l'une des maisons en construction.

La lumière des lampadaires passait par les encadrements prévus pour la porte d'entrée et les fenêtres.

Le calme de la nuit était apaisant. Aucune présence. Aucun bruit. Aucune peur.

La fatigue me submergea de telle façon que je ne sentis bientôt plus la douleur qui m'assaillait.

_Un cauchemar, chuchotai-je, à bout de souffle.

C'était un véritable cauchemar. Je ne pouvais pas être réveillée et vraiment vivre ces choses. Comment mes rêves pouvaient être plus convaincants de réalisme que les évènements que j'étais en train de vivre ? Cet être qui me poursuivait était-il celui dont l'homme du rêve m'avait mise en garde ?

Un courant d'air. Un frisson.

J'entendis un homme parler d'une voix calme, dans un langage incompréhensif.

Apeurée, j'en cherchai sans succès l'origine. La voix devint plus forte, comme si la colère, puis l'hystérie avait gagné l'homme. Il hurlait, crachait ses mots sur moi, me massacrait les tympans.

_Quantus tremor est futurus, quando judex est venturus, cuncta stricte discussurus !

D'un mouvement de tête, j'aperçus un visage aux cheveux ébouriffés par l'encadrement de la fenêtre. Mes yeux revinrent sur cet endroit, et tombèrent nez à nez avec cette tête terrifiante.

Je m'en écartai, pour tomber sur une chose informe au plafond. Bientôt, je fus encerclée, par les hurlements, par ces créatures tournoyantes, piquant sur moi...

Je fermai les yeux, bouchai mes oreilles.

_Assez ! sanglotai-je.

J'en avais assez de tout ça. Assez de rêver, assez de voir ma vie partir en fumée.

Je sentis une présence derrière moi, quelque chose de moins mobile que tout ce qui m'entourait jusqu'alors.

D'une façon ou d'une autre, ce cauchemar allait se terminer.

Je me voyais déjà, me réveiller le matin dans les couvertures chaudes de mon lit, me dire que j'avais seulement fait un mauvais rêve.

Une main froide se mit sur ma bouche. Sans ouvrir les yeux, je la laissai faire et m'abandonnai à qui m'attaquait. Cela n'avait plus d'importance, que je me réveille ou pas.

Un objet pointu me piqua au cou, puis se fraya un chemin à travers la carotide.

La douleur fut brève. Mes vêtements devinrent rapidement humides.

La main relâcha son emprise, laissant mon corps tomber lentement. Très lentement.

Moi qui souhaitais la paix, je ne fus pas déçue.

Ma chute dura une éternité.

J'étais si légère. Si bien. 

J'étais devenue la plume rouge du cauchemar de l'Humanité.

La première maculée, celle qui tacherai toutes les autres.

 


31/03/2007
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Adam Bis (partie1/2)

Voilà un texte que j'ai du réaliser pour un exercice de seconde année de mon bts.

Le principe est que l'on assiste à la lecture du professeur, lecture d'un livre dont nous ne connaissons ni le titre ni l'auteur, pour ensuite écrire la suite.

Ici, le mot d'ordre était, je cite mon ancien prof' "Les gars, j'veux que ça parte freestyle complet!"

Donc pour la peine, voilà ce que j'ai rendu.
L'histoire est celle d'un homme dont on ne connaît pas le prénom qui souhaite se jetter d'une falaise, lorsqu'un riche artiste excentrique lui propose lme plus étrange des contrats: vendre son corps pour devenir la plus belle des oeuvres d'art.
Notre homme accepte, et est façonné au bon vouloir de notre artiste milliardaire: Zeus Peter Lama.
Mais la vie d'oeuvre d'art est difficile, et notre ami sombre dans l'alcool. La scène fait suite à une confrontation entre l'artiste, le chirurgien et "adam bis", l'oeuvre d'art.



Adam Bis
 
 



















        Zeus avait du mal à cacher ce que je ressentais comme une déception tandis que le docteur Ficher me regardait d'un Å“il sévère.
_Vous buvez ? Mais comment… Pourquoi !?
_Et bien...
Alors que je tentais de répondre aux multiples questions de Zeus, je tâchais de me rappeler que j'étais un adulte et non un écolier grondé par son professeur.
En balbutiant, j'expliquais à mes interlocuteurs la raison de ma faiblesse. Plus je m'égarais dans mes propos, plus la culpabilité m'envahissait.
_C'est tout !? Juste parce que vous vous sentez un peu seul, vous ruinez mon travail ? s'écria Zeus, scandalisé.
_Non, ce n'est pas seulement ça, je...
_Avez-vous ne serait-ce qu'une seule idée du mal que vous faites à votre corps en ingurgitant une telle quantité d'alcool ? coupa le docteur Ficher. C'est quasiment du suicide ce que vous faites !
Ils restaient là, dans le couloir, à me fusiller du regard dans ce procès qui me semblait interminable. Je ne saisissais pas complètement l'origine d'une telle colère. Après tout, c'est vrai, j'avais bu. Et après !
_Ne me parlez pas de suicide, dis-je, sur la défensive, vous savez très bien à quel point je suis doué pour !
_Vous êtes bien plus doué pour que ce que vous ne le pensez, très cher dit Ficher d'un ton grave.
Zeus le foudroya du regard, à tel point que je ne semblais sur l'instant ne plus exister pour lui. Jamais je n'avais vu un tel regard chez Zeus, s'en était presque effrayant.
Il se tourna vers moi, puis tenta de dissimuler sa colère derrière un large sourire. Je devinai facilement sa feinte, grâce notamment à ses yeux lançant encore des éclairs.
_Nous parleront de cela plus tard, si vous le voulez bien, me dit-il. Allez, retournez dans votre chambre. Le docteur Ficher et moi devons nous entretenir.
Je fus surpris de constater chez le docteur Ficher une sorte de peur sur son visage.
Alors que je fermais la porte, j'entendis le docteur présenter des excuses à Zeus, invoquant une précipitation.
_Allons, ce n'est rien...coupa Zeus. Allons parler de cela dans un endroit plus approprié voulez-vous ?
Je fermai doucement la porte. Les voix s'éloignaient dans le couloir, et je n'avais plus moyen d'écouter ce qu'ils pouvaient dire.

La gâche de la porte émit un bruit sec. Près du lit, mon « merveilleux » corps s'effondra et s'enfonça dans le matelas. Sur le dos, le regard lointain, mes mains soutenaient une tête qui n'avait jamais semblée aussi lourde.
Prendre du recul sur la discussion qui venait d'avoir lieu me faisait me rendre compte que ce qui affectait Zeus n'était pas mon état mental.
Ce n'était pas non plus de savoir ma santé en danger. C'était que son œuvre, son précieux Adam bis était abîmé.
Malgré la gratitude que je me sentais obligé d'avoir envers mon « créateur », je ne pouvais m'empêcher d'éprouver de la rancune envers cette attitude. Mais alors que je me donnais raison, je me rendis compte que je fustigeais Zeus simplement pour m'avoir ignoré.
_Tout ceci n'a aucun sens...
Bien que je fusse assez fatigué pour m'endormir, la compagnie de Melinda ne m'aurait pas déplu ce soir.
Perdu dans mes pensées, à la recherche de son fameux décolleté, je sombrais dans les bras de morphée.
J'entendis un bruit. Puis, une sensation étrange me fit tressaillir. J'ouvris les yeux et découvris Zeus, assis devant mon lit, avec ses deux cigarettes et son halo de fumée grise. Il portait un costume trois pièces blanc, qui le faisait se confondre avec le reste de la chambre.
Ma bouche pâteuse ne parvenait pas à articuler un seul mot. Je prenais peut à peut conscience que nous étions le matin. Moi qui croyais m'être seulement assoupi, j'avais dormi toute la nuit.
_Bien le bonjour mon cher me dit Zeus.
Il semblait avoir retrouvé sa bonne humeur et son enthousiasme habituel. Je supposai la raison de sa venue, et commençai à lui faire des excuses.
_Arrêtez, arrêtez... Je ne suis pas là pour ça, mon cher ami, dit-il en accompagnant ses mots de gestes calculés et gracieux.
Moi qui souhaitais faire des excuses sincères, voilà qu'il ne m'en donnait pas l'occasion. Pourquoi donc était-il venu, si ce n'était pas pour l'incident d'hier soir ?
_Vous devez sûrement vous demander pourquoi je me trouve ainsi dans votre chambre, au pied du lit, de bon matin ?
Comme à son habitude, il lisait en moi mes interrogations. Ma surprise dû se lire sur mon visage, car il afficha un sourire de satisfaction.
_J'ai une grande nouvelle à vous annoncer. Dans deux jours, je vais recevoir une récompense spéciale du plus grand artiste qui n'ait jamais existé sur Terre.
Il éclata de rire. Les multiples couleurs de ses dents traversèrent l'écran de fumée pour m'éblouir.
_Tout de même, c'est un comble que ces crétins mettent tant de temps à reconnaître que je suis le meilleur ! Il a avant cela fallut que je prouve au monde que personne ne pouvait se mesurer à mon talent. Quelle ironie... Je suis le talent réincarné ! Ce mot n'est qu'euphémisme pour moi !
Bien que j'avais déjà passé du temps en sa compagnie, jamais Zeus ne s'était montré si heureux. Jamais, même lors de ma présentation au monde,  il n'avait montré tant de...
_Satisfaction ! dit-il. Voilà le mot qui caractérise l'état d'esprit si particulier dans lequel je baigne depuis ce matin !
Il se leva, puis marcha d'un pas lent vers la porte.
_Oh, et j'oubliais, dit-il en se retournant, je compte à ce que vous soyez bien évidemment présent lors de cette soirée.
Il quitta la pièce, puis ferma la porte derrière lui. Pourquoi m'avait-il dit ceci ? Quand bien même cette cérémonie pouvait être ordinaire, pourquoi m'avoir rappelé que je devais venir ? Pensait-il que je comptais manquer à mon devoir ?
Durant toute la matinée, je fus assailli de questions de ce genre, au point de heurter Zoltan au détour d'un couloir.
Je m'excusai presque immédiatement. Son regard inexpressif me dérangea au plus au point. Il détourna les yeux, fit demi tour, puis parti dans sa direction.
Je soupirai, me rendant compte qu'une fois de plus, j'avais parlé. Ces litres d'alcool m'avaient rendu bien trop distrait, au point que j'en oublie les règles élémentaires.
_Que faites-vous là ? dit une voix derrière moi.
_Je peux vous retourner la question, répondis-je au docteur Ficher tout en me retournant.
_Je rentre chez moi.
J'écarquillai les yeux à sa vue. Il semblait pâle. J'aurais juré qu'il avait perdu du poids depuis la veille. Ses lèvres gercées et ses yeux fatigués témoignaient d'une nuit agitée.
Je restai immobile à le contempler. Y avait-il un rapport avec son « erreur » d'hier ?
Il fit quelques pas, puis s'arrêta, dos à moi. Il regarda dans toutes les directions, méthodiquement, comme pour vérifier que nous étions bien seuls dans ce couloir.
_Cette maison respire le malsain et l'abandon de soi, dit-il doucement.
Je pris pour moi cette remarque, faisant le rapport avec ma dépendance passagère et passée à l'alcool.
_Que voulez vous dire par là ?
Je voulais qu'il le dise lui-même. Je voulais pouvoir lui répondre face à face.
Il rit quelques quelques secondes.
_Si c'est que vous pensez que je compte me suicider dans un verre d'alcool, vous...
_Jamais plus vous ne pourrez vous suicider.
Je fus coupé net dans mon élan. Il se retourna et afficha un sourire triste.
_Comme je vous l'ai dit hier, vous êtes doué pour. Ce n'est pas pour rien que monsieur Lamar vous voulait, vous. Il vous a accordé plus de temps que vous ne pourrez jamais l'imaginer.
Ses paroles résonnèrent en moi, sans que je parvienne à leur donner un sens.
Il commença à partir. Je le retins par l'épaule.
_Qu'est-ce que vous essayez de me dire ?
Il sourit. Son regard paraissait plein de compassion.
_Vous le saurez. En tout cas, je l'espère pour votre salut. Vos frères seront à la remise du prix de monsieur Lamar. Puissiez-vous vous rendre compte avant la fin dans quel malheur ils vivent.
Il marqua un temps d'arrêt, ses yeux fixant le vide. Je restait raide, devant lui, à tenter de saisir ne serait-ce qu'une seule de ses paroles. Lui qui n'avait auparavant que rarement parlé, voilà qu'il me tenait aujourd'hui une conversation aussi étonnante qu'énigmatique.
_J'ai été ravis de faire votre connaissance Adam, mais l'heure est venue pour moi de quitter définitivement cette vie que jamais je n'aurais du choisir.
Etait-ce là des mots d'adieux ? Comptait-il se suicider ? Son épaule échappa doucement à mon emprise, et il s'en alla.
Perturbé, je déambulais sans but dans le dédale de couloirs. Jamais je ne m'étais senti aussi seul.
Je croisai Zeus sans me rendre compte de sa présence. Ce dernier m'interpella avec fougue.
_Que faites-vous donc, mon cher ? J'espère que vous n'avez pas encore cédé à l'appel du verre d'eau vive, car je ne saurais tolérer que mon œuvre soit souillée par un vice aussi vil que méprisant !
_Je ne bois plus, je vous assure ! me défendis-je.
_Bien. Voilà qui est une bonne nouvelle ! Allons déjeuner, si vous le voulez bien.

Le repas se déroula exactement comme les autres. A ceci près que sans trop savoir pourquoi, il était totalement différent à mes yeux. Une étrange aura avait envahie la salle à manger, à tel point qu'une atmosphère dérangeante troublait mon appétit. La table pleine de plats succulents ne parvenait qu'à me dégoûter.
Les merveilleuses jeunes filles étaient tout d'un coup comme une bande de chiennes, tout justes bonnes à quémander un os de la part de leur maître. Quant à ce dernier, je ne saurais exactement exprimer ce qu'il m'inspirait, mais il achevait un tableau infernal dans lequel les pêchés capitaux s'étaient donné rendez-vous.
Ecoeuré, je regardai mon assiette sans toutefois toucher à son contenu. Mon corps nu tressaillait sans cesse à tel point que j'eusse pu me trouver dans une chambre froide, malgré la chaleur ambiante de la pièce.
Je ne fus pas mécontent que le repas se termine, afin que nous puissions tous nous coucher.
Une fois dans ma chambre, je m'assis et me frottai le visage, fatigué d'avoir eu à camoufler durant toute une soirée mes émotions. Comme à l'accoutumée, le repas avait gagné en longueur et s'était prolongé jusqu'après minuit. Je craignais que Zeus eu découvert durant tout ce temps passé en sa compagnie les sentiments qui m'avaient gagné ce soir. Sans doute était-ce dû à ces choses ahurissantes que ce vieux bonhomme de Ficher m'avait dites.
J'espérai que cette impression ne dure pas, et que je puisse retrouver le plus rapidement possible la jouissance de la célébrité, que je puisse ne plus être torturé par des questions sans aucun sens.
_Que je puisse être à demain soir murmurai-je.

Je tentai le lendemain d'occuper ma journée à des passes temps efficaces afin de ne pas trop me languir des « Oh ! » et des « Ah ! » d'une foule éblouie par la beauté de mon corps.
Même dans ma précédente vie, jamais je m'étais autant ennuyé. Non pas que je n'eusse rien à faire, mais parce que je ne pouvais me défaire de l'unique pensée de briller ce fameux soir.
L'après midi, le soleil assassin me contraint à rester à l'intérieur. Seul dans ma chambre, je tournais en rond, sans but. Au bout d'un millier de pas, mon regard se posa au détour d'un meuble sur un endroit dans lequel j'avais jadis caché un bouteille de « poison rouge », comme l'appelait mon père.
Résistant à la tentation, je parvins une bonne heure durant à ne pas m'en approcher. Mais...
Je déplaçai le meuble, machinalement, puis pris la bouteille de vin rouge de sa cachette. Après tout, il n'en restait qu'une moitié, qui ne pourrait au pire des cas que me causer une envie de dormir.
Je bus au goulot avec délectation le bon vin qui s'échappait de la bouteille.
Un peu fatigué, je décidai de planquer la maudite dans son lieu de résidence originel, puis d'aller faire un petit somme.

_Allons ! Réveillez-vous, bon sang !
_Hum ? Qu'il y a-t-il ? répondis-je, les yeux à demi clos.
_Quoi, vous ne me reconnaissez pas ? Suis-je à ce point un inconnu pour vous que vous ne puissiez reconnaître celui qui a fait de vous ce que vous êtes ?
_Zeus ?
Le spectacle de terreur qui s'offrit à moi en ouvrant les yeux me fit me réveiller pour de bon, et en sursaut.
Des gouttes de sueur voyageaient sur mon front à la recherche de mes joues tandis que j'imitais de mon souffle le vacarme de la locomotive.
_Quelle horreur ! me dis-je.
Je venais tout juste de faire un rêve très particulier, de ceux que l'on ne souhaite à personne tant ce qu'on y voit est horrible.
J'avais vu dans le mien Zeus dans son costume blanc, maculé de sang, avec la tête du docteur Ficher dans ses mains.
J'avais du mal à contenir mon envie de vomir en repensant aux autres têtes –dont celles de mes frères- jonchant le sol.
Je sorti dans le couloir pour prendre l'air, me changer les idées. L'air était froid et l'atmosphère, pas particulièrement chaleureuse.
_Ah vous êtes là ! Je vous cherche depuis au moins cinq minutes, mon cher ! dit une voix familière derrière moi.
Pris d'une panique inexplicable, j'hésitai tout d'un coup à me retourner, de peur que l'image de mon rêve ne se reproduise.
Zeus ne me laissa pas le temps de ma léthargie passagère et fit lui-même le tour.
_Vous allez bien ? Vous avez l'air tout pâle.
Je ne souhaitais pas que Zeus apprenne que j'avais failli et que l'alcool m'avait une nouvelle fois conquit. Cependant, je décidai toutefois de lui dire la vérité.
_Je me suis assoupi, et j'ai fait un cauchemar, voilà tout.
_Bien, je vois !
Il marqua une pause.
_J'étais venu vous dire que le docteur Ficher avait été renvoyé hier, et qu'il ne viendra plus nous importuner !
Stupéfait du rapport étrange de cette nouvelle avec mon rêve, je demandai immédiatement de ses nouvelles.
_Il est rentré chez lui... commença Zeus, visiblement intrigué par l'intérêt que je témoignait tout d'à coup pour un docteur rondouillard à la loquacité discutable. Bref, il ne faudra plus vous inquiéter de ce personnage désormais !
_Que voulez-vous dire par là ?
Je tentais de toute mon énergie de camoufler mon angoisse. Ne laissant rien transparaître, je m'efforçais de garder de l'assurance.
_Et bien il n'arrêtait pas de dire que nous avions tué votre ancienne personnalité, que nous n'avions pas le droit de faire ce que nous avons fait, et cetera, et cetera !
Il accompagnait ses « et cetera! » de grands gestes des deux bras qui, une fois déployés, prenait pratiquement toute la largeur du couloir.
_Après tout, reprit-il, vous étiez d'accord pour faire cette opération et devenir l'être le plus beau et le plus réussi de l'Histoire de ce monde !
_C'est exact...dis-je, sans toutefois terminer ma phrase.
_Bien ! Et bien voilà qui est dit ! Cet énergumène ne viendra plus ternir la plus belle de toute mes œuvre !
Puis il parti, fier de son action, exécutant durant son départ quelques gestes pré calculés.
Etait-ce donc ceci qu'il avait essayé de me dire l'autre jour ? Qu'avoir donné mon corps avait été pour moi un suicide réussi ?
Je secouai la tête et soupirai.
_Tout ça pour ça...

Le reste de ma journée, je la passai exactement comme en début de journée, c'est à dire en errant dans l'ensemble du domaine.
Je ne trouvais réel repos que lorsque je me promenais dans le dédale de buisson, où Melinda m'avait attiré lors de cette très bonne soirée...
Lorsque je repris conscience de la réalité, il était presque l'heure du dîner. Le temps pour moi de rejoindre la salle à manger.
Les filles se pressaient devant moi pour pouvoir chacune entrer la première. Je m'efforçai de rester muet devant ce spectacle navrant.
Le repas se déroula exactement comme la veille, mais toutefois sans cette sensation nauséeuse que j'avais alors éprouvé. Bien que l'ambiance n'eusse été au beau fixe, il n'y avait pas cette fois l'atmosphère si particulière de la fois dernière. J'en étais soulagé. Une fois le repas terminé, à nouveau dans ma chambre, je me rendis compte que cette journée –excepté ce fichu rêve- avait été plutôt calme et paisible. Elle avait été en fait comme celles que je paissais avant de devenir Adam Bis. Si je m'en plaignais à l'époque, ce genre de journée, je devais l'avouer, me manquait.
Afin de changer de sujet de réflexion, j'imaginai plutôt comment occuper ma journée. Zeus avait prévu une séance de photo assez imposante, en préparation de la soirée. Il voulait que je figure en première page de chacun des magazines du monde, à ses côtés. Je n'avais montré aucun signe de désaccord, tant mon empressement était grand. J'aurais pu accepter n'importe quoi pourvu que cela ait pu me faire passer le temps.
La séance dura une bonne partie de la journée. On me photographiait dans toutes les positions possibles, tantôt habillé, tantôt nu comme un vers. Une partie de la séance se déroulait en intérieur, en début de journée. L'autre partie, plus intéressante selon moi, avait lieu au dehors. Là, d'autres personnes que l'équipe s'arrêtaient pour pouvoir m'admirer.
De temps à autre, nous prenions des pauses bien méritées. Le travail fut si prenant que je regardai pour la première fois l'heure à dix-sept heures cinq.
Durant certaines poses plus osées, le visage des passantes tombant sur la séance rougissait comme les nuages d'une heure avancée.
Je fus soulagé lorsque Zeus arrêta la séance pour que je puisse me reposer. Alors que j'entrais dans Lambrilique, demeure de Zeus, j'entendis un des photographes dire  son assistante que j'allais me préparer pour la fête.
_Se préparer ? agressa Zeus. Adam Bis n'a pas besoin de se préparer ! Il est déjà la perfection ! Je vais vous dire, monsieur...
Avec un sourire, je m'éloignai du lieu de la conversation sans me retourner.

Le soir, la majorité des convives s'était rassemblée dans le jardin, près du banquet. Lorsque je sorti de la demeure, tous les regards convergèrent sur moi, enfin, sur mon corps.
Les lumières de multiples couleurs illuminaient le ciel. Certaines des plus belles créations étaient exposées.
Un monde très select s'affairait sur les différentes créations, mais plus particulièrement autour de moi.
Au beau milieu de la foule, j'essayai de repérer mes frères. Ces derniers restaient à l'écart, avec leur manager.
Je tenais à les approcher, ne serait ce que pour les voir de plus près, mais aussi pour entendre ce qu'ils pensaient. En général, les gens ne se gênaient pas pour exprimer leur admiration, mais aussi leurs avis plus réservés devant moi.
Etait-il si inconcevable qu'une telle œuvre d'art comme moi fusse douée de parole et de compréhension ?
J'attendis quelques dizaines de minutes avant de pouvoir me déplacer comme je le voulais. Près de mes frères, j'attendais d'eux qu'ils fassent une remarque sur moi, ou la soirée. Feintant de ne pas m'intéresser à eux, je passai à, côté sans pour autant leur adresser un regard. J'étais sûr que cela suffirait à les faire sortir de leur silence.
Je n'eu pas l'effet escompté, car ils ne semblaient pas particulièrement ni jaloux ni méprisant. Derrière les jumeaux, un homme que j'avais déjà vu les apostropha avec vigueur.
_Allons, mais qu'est-ce que vous faites ? Ne me dites pas que vous êtes impressionnés devant cette chose !
_Nous savons bien, Bob mais...
Bob ? Il s'agissait de leur manager ? Depuis la dernière fois, ses traits avaient changé. J'avais l'impression que son âge, devant tant d'arrogance, l'avait lui-même fuit.
_Tout de même, c'est un comble que ces crétins restent bouche bée devant une créature qui se pavane nu devant la foule ! Vous valez bien mieux que lui ! Vous êtes les frères Firelli, ceux sans qui rien ne peut être beau, rien ne peut être talentueux ! Vous êtes le talent réincarné ! Ce mot n'est qu'euphémisme pour vous !
Mes frères, bien que le regard triste, approuvèrent leur manager. Ce dernier les emmena loi de moi, m'adressant un dernier regard glacial et noir.
Pour ma part, je restai là, sans bouger, consterné par ce que je venais d'entendre. C'était mot pour mot ce qu'avait dit Zeus à mon sujet, il y avait de cela un peu plus de deux jours.
Je titubai, légèrement décontenancé, et entrai en collision avec une vieille femme qui tomba au sol.
_Exc... commençai-je, avant de m'interrompre.
Afin de ne pas être trop humain devant la gent témointe, je me contentai de la regarder, le regard le plus vide possible.
_Cette créature m'est rentrée dedans ! Elle m'est entrée dedans ! répéta-t-elle, alors que des invités la remettaient sur pied.
Elle me regarda, surprise.
_Bah, après tout, ce n'est qu'une statue qui bouge !
Puis elle s'en alla, aidée des philanthropes qui l'accompagnaient.
Mes ressentiments vis à vis d'elle cessèrent lorsque qu'une personne monta sur scène et demanda à l'assemblée de bien vouloir faire silence.
Si ma mémoire était bonne, il s'agissait d'un des journalistes les plus influents du monde qui allait remettre le prix à Zeus.
Ce dernier feinta la surprise, puis commenta sa victoire ultime sur le monde artistique. Comme le voulait le protocole, je montai moi-même sur scène, afin d'illustrer le talent de Zeus.
Des applaudissements, des acclamations et même des hurlements hystériques se firent entendre. Aucun d'eux ne m'atteignirent, étrangement. Depuis le temps, je m'étais rendu compte que les gens ne voyaient en moi que mon créateur.
Une fois les festivités terminées, je m'enfermai dans la chambre, avec pour seule compagnie une bouteille d'armagnac, histoire de bien terminer la soirée.
Celle-ci à moitié vide, je repensai à ce qu'avait dit Bob à mes frères, à ce que Ficher m'avait dit...
Plus j'y repensais, et plus il me semblait que quelque chose n'allait pas. Comment se faisait-il que Bob ait pu dire mot pour mot les mêmes choses que Zeus ? Pourquoi Zeus avait-il foudroyé du regard le docteur Ficher après qu'il m'ait dit que j'étais doué pour le suicide ? Pourquoi Ficher avait-il été viré ? Même s'il était en désaccord avec Zeus, son penchant pour le pari, et ses dettes ne lui permettaient pas de s'opposer à son seul employeur !
Zeus avait tout de même bien choisi le docteur Ficher... Endetté, il était sûr d'avoir la main mise sur lui... Tout comme sur moi.
Les paroles de Ficher prirent un tout autre sens alors que ma réflexion avançait.
Mieux valait pour moi que je vois cela à tête reposée, plutôt que de commencer à penser que j'avais vendu mon âme au diable.

Le lendemain, dès le petit déjeuner, je finis la bouteille d'eau vive, sans raison particulière, si ce n'est d'avoir passé la nuit à se dégoûter.
Oui, j'avais vendu mon corps et mon âme, pour avoir en échange que la satisfaction de faire du mal à ma famille.
Je n'avais pas reconnu en mes frères les égocentriques qui m'avaient persécutés. De tout temps, ce Bob les avait poussé sur le chemin de la gloire, les éloignant de celui de l'humanité. Le ventre dérangé, je titubais dans le dédale de couloir à la recherche de Zeus.
Je le trouvai dans une pièce aux tons rouges son costume blanc légèrement camouflé par la fumée des cigarettes. Il semblait en pleine réflexion. J'entrai sans frapper et fermai la porte derrière moi.
_Pourquoi avez-vous viré le docteur ?
Il leva les yeux, étonné de me voir. Un instant plus tard, il fronça les sourcils, puis posa sur le cendrier à côté de lui ses deux cigarettes. Il se leva, doucement, en me dévisageant.
_Vous n'avez tout de même pas encore bu !
_Attendez... Comment vous avez fait pour être présent lors de ma tentative de suicide ?
Je reculai d'un pas, l'esprit tergiversant dans d'innombrables hypothèses.
_Allons, vous dites n'importe quoi, mon cher ! L'alcool vous joue des tours ! Venez donc avec moi...
Il s'approcha de moi, me saisi l'épaule, comme pour m'emmener dans une autre pièce. Je le repoussai violemment, de sorte qu'il cogne légèrement la table basse sur laquelle le cendrier était posé.
La phrase de Ficher me revînt en mémoire. Zeus avait déployé plus d'efforts que je ne pourrais jamais l'imaginer. Cela ne pouvais pas être une coïncidence.
_Vous avez...Jusqu'où êtes vous allé pour me trouver ? Parlez moi plutôt de ce Bob ? Vous avez manipulé mes frères ?
Il écarquillait les yeux au fur et à mesure que je déployais mes questions. Sachant ce qu'il lui arriverait s'il tentait encore une fois le contact physique, il resta immobile. Je lisais en son regard une inquiétude. Avais-je percé son secret à jour ?
_De tout temps, j'ai fait ce qu'il était nécessaire pour exercer mon art ! Je n'ai que faire de vos insultes ! Je vous rappelle que vous avez signé un contrat, et j'entends que vous l'honoriez !
Je prenais cela pour un oui. Bien que j'en fusse le premier estomaqué, la vérité venait d'éclater.
_Vous n'êtes qu'un démon ! m'emportai-je
_Il suffit ! Si c'est comme cela que vous appelez un être dont l'œuvre est plus réussie que toutes celles de la nature, alors, oui, j'en suis ! Mais dans le cas contraire, je vous prie de vous calmer, et de retourner cuver où bon vous semble !
_Tout ceci n'est que perversion... dis-je en secouant la tête. Perversion !!!
De colère, je me jetai sur Zeus, l'empoignai, puis l'envoyai au fond de la pièce.
Le pauvre bougre eut du mal à se relever. Je restais à le regarder lutter pour survivre dans un monde qui n'était pas le sien.
Il me regarda, effaré, les cheveux ébouriffés. Jamais il n'avait été si démoniaque. Il couru vers la sortie. Sans succès. Cette fois, je le cognai de toutes mes forces. Il alla s'écraser sur la table basse qui se brisa en mille morceaux.
Ce ne fut qu'à ce moment précis que j'eus la confirmation qu'il était démoniaque. Alors que du sang coulait sur le sol, une flamme jaillit de dessous son corps. Puis une autre, près de ses côtes.
Sans que je puisse en voir l'origine, l'incendie qui se déclarait commençait à consumer le corps inerte de Zeus.
_C'est... C'était un vrai ? murmurai-je.
Qui était donc Zeus Peter Lamar ? Quelle était cette demeure ? Toutes ces filles qui se pavanent, cette matricia, ce Zoltan...
Il devenait évident que j'étais dans un lieu de corruption. Je devais me sauver de là au plus vite.
Je couru à ma chambre, et pris le manteau des jours froids, le seul que je pouvais mettre.
Alors que les filles dans la piscine monopolisaient l'attention des majors d'hommes, je me glissai dans la cuisine à la recherche de produits inflammables. Doucement, je fermai toutes les portes et les fenêtres, puis j'allumai le gaz de la cuisinière.
Je remontai les mains pleines de produits nettoyants dans la chambre où le corps de Zeus, presque totalement consumé, gisait au beau milieu d'une pièce qui s'embrasait. Il ne me restait plus qu'à lâcher ce que je tenais dans les mains au beau milieu des flammes. Une fois ceci fait, je fermai vite la porte, puis me précipitai vers la sortie de la demeure.
M'échapper fut une chose plus facile que je ne le pensais, surtout lorsque certaines petites explosions se firent entendre au premier étage. Les personnes qui étaient dans le jardin se précipitèrent à l'intérieur pour voir ce qu'il se passait.
De la fumée noire s'échappait d'une fenêtre dont les vitres s'étaient brisées sous l'intensité de la chaleur tandis que quelques explosions couvraient les cris féminins stridents des jeunes filles découvrant l'ampleur du désastre.
Je m'éloignai de Lambrilique tout en réfléchissant à la prochaine étape de mon périple. Je n'avais pas un sou sur moi, je n'avais pas de véhicule, et la seule chose qui me couvrait était un manteau, certes chaud, mais pas imperméable.
Heureusement pour moi, le temps était tout à fait clément aujourd'hui, et le soleil au beau fixe indiquait par sa position qu'il devait être aux alentours de midi.
Mon ventre grogna. Seul sur une route entourée de vignes, je ne croisai comme autre personne qu'un vieil homme sur son vélo avec un chapeau noir. Saisissant l'occasion, je bousculai ce dernier dans les vignes, puis fit de tel sorte qu'il perdit conscience.
Une fois en selle sur mon nouveau vélo, un peu mieux vêtu, avec de quoi camoufler mon visage et surtout de quoi me payer un repas, je me rendis avec vélocité dans le village le plus proche.
Là-bas, j'achetai un sandwich et le dévorai d'une main, en tenant le guidon de l'autre. Je stoppai ma course devant un magasin de télé, dont la chaîne privée de son diffusait des images de Lombrilique en feu, avec une partie de l'aile totalement arrachée.
Je ne pus m'empêcher de ricaner en me rendant compte qu'ils n'avaient dans toute cette agitation même pas pensé au gaz de la cuisine.
Enivré de ma nouvelle liberté, je jouissais toute la journée durant de ma capacité extraordinaire de mouvement au sein même du village. De long en large, de large en long, je le parcourai à vélo, à pied, lentement, vite, mais avec un plaisir certain.
A la tombée de la nuit, j'éprouvai une chose à laquelle je n'avais pas pensé : la sensation de froid.
Cherchant sans succès un hôtel, je trouvai mon salut dans un bar, dans lequel j'échouai.
Camouflé, je commandai au barman une boisson forte. Assis à côté de moi, un homme barbu légèrement ivre m'apostropha.
_Dure journée, l'ami ? me dit-il en me tapant amicalement l'épaule.
_On peut dire ça, oui. Répondis-je sans trop le regarder.
_On en a tous eu au moins une ! Racontez-moi la vôtre !
Loin de cautionner cette philosophie de bar, je me laissai pourtant à raconter toute mon histoire. Comment j'avais failli me suicider et qu'un démon m'avait recueilli au même moment. Comment j'avais vendu mon âme au diable, et comment mes frères étaient encore sous l'emprise d'un démon.
Le barbu ne semblait pas vraiment surpris de mon histoire. Comme si sa boisson avait remplacé peu à peu ses neurones, il tenta de trouver un lien à ce que je lui avais raconté.
_Tu dis que t'as connu le démon juste avant d'sauter ?
J'acquiesçai.
_Et ben si t'veux mon avis, j'serais toi, j'regarderais dans mon propre cercueil si j'y suis pas !
Il éclata de rire, puis sorti du bar, bousculant au passage quelques tabourets.
Bien que l'alcool m'eusse également monté à la tête, ce qu'avait dit cet homme était d'une clairvoyance redoutable. Comment ne l'avais-je pas vu avant ?
Je me remémorai ma rencontre avec Zeus, l'enterrement, puis tous les évènements de ces derniers jours.
Comment m'avait-il trouvé le jour où j'allais sauter de la falaise ? S'il n'avait pas été là, je serais sûrement parmi les rochers...

La porte du bar s'ouvrit puis avec fracas tandis que j'enfourchai mon vélo. La pluie s'abattait désormais sur la route. Qu'importe, je devais en avoir le cœur net. Etais-je oui ou non dans ce cercueil ?
Je pédalai jusqu'à l'épuisement et trouvai un pont en guise de refuge pour la nuit. Presque idiotement, je serrai le vélo contre moi comme pour me réchauffer. La nuit fut pénible, bien que je fusse moi-même extenué.
Au matin, les bruits des voitures passant à proximité me réveillèrent en sursaut. Couvert de terre, mon manteau avait beaucoup perdu de sa superbe. Il n'était pas le seul. Je sentais mon corps différent. C'était une sensation étrange. J'avais l'impression d'être celui que j'étais avant.
Mon corps rejetait-il les changements qu'avait pratiqué Zeus, ou n'était-il tout simplement pas adapté à ce que je lui faisais endurer ?
Je repris mon vélo pour arriver jusqu'au cimetière. J'y arrivai, après quelques heures à pédaler sauvagement. Enfin, j'allais savoir.
La pluie s'était calmée lorsque la roue de mon vélo creva, à quelques dizaines de mètres du cimetière. Le pas pressé, j'atteignis la rangée où j'étais sensé être enterré.
Au détour d'un mausolée, trois personnes devant une tombe, dont une visiblement très turbulente.
Quelle ne fut pas ma surprise de voire mes frères, tous deux devant ma tombe. Accompagnés de Bob qui faisaient les cents pas, ils semblaient, au fur et à mesure que j'approchais, me regretter.
Bob me reconnu très vite, au premier regard. Il s'approcha de moi rapidement, me maudissant d'avoir tué les célébrités qu'étaient les frères Firelli. Evidemment, croyant avoir à faire à une sorte de statue motorisée, il ne se méfia que lorsque je l'empoignai avec force. Sa tête heurta ma propre tombe, l'aspergeant de sang.
Mes frères, pour leurs parts, coururent aussi vite qu'ils purent lorsqu'ils virent la scène. Je considérais que c'était normal. S'ils avaient su que c'était leur petit frère qui les protégeait, ils n'auraient pas fuit.





23/11/2007
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Call Of Nemesis : L'ombre De La Bête (Partie1/2)

Call Of Nemesis :

L'Ombre De La Bête



Copyright 2007 Thomas Carnicer




Chapitre 1 : Sortie de route



 

 

 

 

 

 

_Arrête le gyro, Guigui, on y est. Tu peux te garer là.

_Oh Putain, y a eu de la casse !

Guillaume coupa le contact, mais aucun de nous bougea. On restait dans la voiture, comme deux cons. On avait carrément pas envie de sortir de la bagnole pour aller voir l'carnage.

Un mec s'amena vers la portière conducteur.

_Salut, les gars. Désolé qu'on ait du vous appeler, mais on avait besoin de renfort.

Guigui tourna la tête vers moi, l'air dégoûté.

_Salut, Pierre. Bon ben on y va…  Prends l'appareil photo, Didier.

En un mouvement, je pris l'appareil et sorti de la voiture. J'avais le cœur qui battait la chamade. Fallait vraiment que j'sois appelé ce soir pour un crash de bagnole.

« Bordel. Â» 

Le collègue qui était venu nous chercher se retourna en marchant.

_Ils étaient trois. Les parents et leur fils. Ils ont du être percutés de plein fouet par un camion, parce que l'avant du véhicule est arraché. C'est le couple de personnes âgées là-bas qui les a trouvés. On a seulement eu le temps de passer l'appel radio et de sécuriser les lieux.

En parlant, on s'approchait. On pouvait voir dans le champ à côté de la départementale la carcasse en deux parties, avec des pompiers et une scie circulaire sur l'une des deux.

_Vous découpez ? Y'a un survivant ? demanda Guigui.

_Oui, le gosse est encore en vie. On essaie de le sortir de là depuis quelques minutes. Il a des morceaux du toit coincés dans la poitrine.

Je soufflai. Vu que j'me coltinais l'appareil photo, c'était à moi de m'approcher. De loin, je vis les corps éclatés des parents, à l'avant.

_La vache… souffla Guigui.

Au moins, j'étais pas le seul à pas supporter.

« Et encore heureux que les pompiers s'en occupent. Â»

_J'sais pas si j'aurais supporté de découvrir ça.

Guigui fit signe de la tête qu'il était d'accord avec moi. C'était à lui de faire les croquis pour le dossier. Il poussa un soupir. Je jetai un regard vite fait sur la route. Des traces de pneus. Le véhicule avait sûrement freiné d'un coup.

Un truc m'étonna. Les traces de pneus allaient pas jusqu'au champ. Elles s'arrêtaient trois, quatre mètres avant. A deux endroits, juste devant où elles finissaient, le béton était éclaté.

J'savais pas c'qui pouvait faire ça, mais j'pensai à un camion grue. C'était assez balèze pour ouvrir comme ça une bagnole et ses pieds étaient lourds au point d'endommager le bitume.

_Pierre, va voir les vieux, prend leur témoignage. Dis à Justine de s'occuper de la circulation.

_Oui mon adjudant.

Deux pompiers étaient assis loin de la carcasse, l'un des deux la tête entre les genoux, son gerbis encore frais pratiquement sur ses godasses.

_Pourquoi est-ce qu'on a pas prévenu la dépanneuse ?

_Ben parce que c'est aux flics de le faire ! Sinon, ils peuvent pas faire leurs photos !

Pauv' gamins. Ils devaient avoir quelque chose comme dix-huit ans et ils se tapaient déjà des trucs comme ça. Fallait en avoir, du courage.

A peine j'avais l'appareil dans les mains qu'ils avaient sorti le gosse de l'arrière. Je le vis sur le brancard, la tête couverte de sang. Il gémissait. Ses yeux bleus se posèrent sur moi.

« Ce regard… Â»

Un peu sonné, je pris les photos. Je regardais la scène que par l'écran du numérique.

Pas question de voir ça de mes propres yeux.

Voilà. J'avais plus qu'à prendre les parents.

_Métier de con...

En remontant sur la route, je pris aussi l'endroit où le béton avait pété.

Quand la dépanneuse arriva, les pompiers étaient partis.

Tout c'qu'il restait d'eux, c'était le vomi du gamin. L'ambulance s'amena un peu plus tard, juste le temps que le chauffeur de la dépanneuse gueule qu'il avait autre chose à foutre.

Sur le capot de la voiture, Guigui s'avançait pour le dossier. On en avait déjà une cinquantaine comme celui-là à faire.

_T'as fini, monsieur l'adjudant ?

Il parlait au gars qui s'appelait Pierre. Je savais pas bien d'où il le connaissait, mais Guillaume avait toujours le contact facile.

_Ben écoute, j'ai fais les croquis, Pierre s'est occupé de prendre tous les noms, y compris des secours…

Il me passa une carte d'identité. C'était celle du gosse. Nataniel Vidal. Dix-neuf ans. Français.

_… Je crois qu'on a tout fait, reprit Guigui. Par contre, on la garde, la bagnole. Elle partira pas tout de suite à la casse.

Il regarda les marques sur la route. Clair qu'elle était pas sortie toute seule.

_Peut être que c'est un camion grue qui l'a chopée, leur dis-je.

_Je ne crois pas, non, répondit Pierre. Regarde bien. Le véhicule allait tout droit d'après les empreintes de pneu. Ou alors la grue serait arrivée en coupant la route, par le champ d'en face.

Clair que c'était pas possible. Mais ils avaient coupé la voiture en deux comment ?

Guillaume supposa que les traces de pneu qu'on voyait sur la route n'étaient pas celles de la voiture, mais d'un autre véhicule qui aurait assisté à la scène.

Pierre et moi on était d'accord avec cette possibilité, surtout qu'on voyait pas vraiment ce qui aurait pu se passer d'autre. Les ambulanciers remontèrent les corps dans leur camion. L'un d'eux nous apporta les cartes d'identité des parents. Ca allait pas servir à grand chose, vu qu'on avait celle du gamin, mais si ça leur f'sait plaisir… Guillaume prit les deux cartes dans les mains. Il me regarda, les yeux gros comme des soucoupes, me prit des mains la carte et mis les trois sur le capot.

_Bah merde alors !

Aucune des trois cartes ne portait le même nom de famille. Non seulement ça, mais les « parents Â» étaient pas français. L'homme était armenien et la femme, coréenne.

On se r'gardait tous, sans capter. Guillaume décida d'aller visiter la maison des Vidal.

Il ordonna à Pierre et à sa p'tite gendarmette de réguler la circulation jusqu'à ce que la dépaneuse et l'ambulance soient partis.

_Aller, faut se dépêcher là.

 

 

 

La sirène hurla tout le trajet. Ils habitaient un bled à bourges en pleine colline  –évidemment de l'autre côté de l'Isle sur Sorgue- sûrement dans une maison isolée avec pour seul voisinage d'la verdure, trois platanes et un c'risier.

Lorsqu'on arriva au domicile, le portail était défoncé de l'intérieur. Une partie traînait carémment au milieu d'la route, à peine éclairée par quelques lampadaires. Sans attendre que Guigui me   l'demande, je pris la radio et appelai du renfort. C'était bien c'que j'croyais : une baraque sans voisinage entourée de végétation. Le genre à peine flippant. La vue était cachée par les arbres de devant la maison, mais on voyait clairement des lumières bouger à l'intérieur.

_On va jeter un coup d'œil maintenant, décida Guigui. Il est peut être arrivé un truc aux vrais parents.

On s'dirigea tous les deux rapidement vers la porte d'entrée, elle aussi défoncée. Mieux valait qu'on y aille à deux, parce que j'me voyais pas entrer là dedans tout seul. Du jardin, j'avais pas vu grand chose, à part le tronc du fameux platane. La porte était tellement explosée qu'un coup de bélier aurait pas fait mieux.

Dedans, c'était Beyrouth. Les meubles avaient été fracassés, la table du salon était en lambeau.

Il y avait des bouts de bois partout, jusqu'au plafond où y'en avait qui étaient plantés.

Il y en avait surtout dans des cartons. La famille avait du enménager depuis peu.

Guillaume me montra c'qui restait de la lampe du salon. Elle se balançait encore.

Nous sortîmes nos armes de nos étuis.

« Putain. Quelle soirée de con. Une maison à trois niveaux en plus. Â»

J'étais même pas sûr d'entendre si quelqu'un arrivait ou pas dans mon dos tellement mon cœur faisait de bruit. Le salon à demi éclairé donnait sur une cuisine ouverte, pratiquement plongée dans le noir. J'entendis quelqu'un marcher dans une flaque. C'était moi. Je soulevai le pied, et l'éclairai de ma lampe-torche.

« De l'eau !? Â»

Il y en avait partout dans la cuisine. A certains endroits, on pouvait voir des morceaux de glace   â€“stalactites ou stalagmites, c'que j'en savais moi- qui pendaient le long des placards.

Il s'était passé quoi ici ?

_Gendarmerie nationale ! S'il y a quelqu'un, je vous demande de bien vouloir vous montrer ! hurla Guillaume.

Je soufflai. C'était con de hurler comme ça, mais y'avait pas le choix. On n'pouvait pas s'permettre d'entrer comme ça chez n'importe qui.

Aucun bruit dans la maison. Aucun bruit, mis à part le boucan de nos deux respirations. Aucun…

Si ! Un bruit de meuble déplacé au premier !

_Didier ! En haut !

On entendit un grognement, puis quelque chose courrir. Je grimpai quatre à quatre les marches, tout en couvrant mon adjudant. Une fenêtre explosa.

Le temps qu'on arrive dans la pièce noire, on entendait « galoper Â» dans le jardin.

Guillaume reprit son souffle et alerta par radio qu'un suspect était en fuite alors que je cherchai l'interrupteur. J'ai vite regretté de l'avoir trouvé.

_Oooh putain ! cria guillaume.

C'était la chambre à coucher des parents. Le lit était éventré. Eux aussi.

Ils avaient les yeux grands ouverts, droit vers le plafond, avec une expression de douleur ancrée sur leurs visages. Un seul des murs était couvert de sang, comme si on les avait éventrés tous les deux d'un seul coup. Le drap déchiqueté montrait partiellement les corps. Mais on en avait assez vu. On quitta la pièce, l'estomac noué. Le temps de reprendre nos esprits, et on était de nouveau à la r'cherche de suspects. Pour le moment, fallait être concentré sur c'qu'on faisait.

De pièces en pièces, y'avait que des traces de lutte.

« Putain ! Qu'est-ce que… Â»

Nos lampes-torche s'arrêtèrent sur un mur de couloir. Le papier peint beige –à chier- pendait de partout. On trouvait des coups de griffe énormes, à quatre entailles, chacune séparée d'une dizaine de centimètres de l'autre. Certaines d'entre elles partaient du plafond pour aller mourir au sol. D'autres étaient si courtes qu'elles ressemblaient en comparaison à des érafflures.

Avec Guillaume, on s'regarda, paniqués. Les marques menaient à une pièce au bout du couloir.

Une odeur d'ordures venait de derrière la porte. Guillaume l'éclaira et vit une flaque de sang qui venait de l'intérieur.

Nos deux respirations faisaient un de ces bastringues que ça en dev'nait presque dangeureux pour nous.

Je tournai la poignée et lui fis signe. Il déboula dans la pièce, avant d'en sortir en gerbant.

Je compris pourquoi quand je vis ce qu'il avait vu. La chambre était pleine de sang, des pieds du lit jusqu'au plafond. Des relents de pourriture en sortaient. Mais aucun corps.

On entendit une sirène de chez nous. Pas trop tôt. Le temps de descendre les rejoindre en titubant, ils avaient fait le tour du proprio et l'avaient sécurisé.

« Rapide, ces jeunes. Â»

_Mon adjudant... Il le salua. Alors, il y a quoi dans la maison ?

_T'as pas envie de savoir…

Je haussai les épaules en r'gardant le gars. Fallait pas qu'il se vexe, mais après une soirée de chiottes comme ça, c'était normal qu'on soit pas franch'ment d'humeur à taper la discute.

Une autre voiture arriva. C'était Pierre et… L'autre.

Ils nous demandèrent exactement la même chose que les jeunes d'avant. Cette fois-ci, notre adjudant fit l'effort de répondre.

Une fois son briefing terminé, les jeunots n'en menaient plus large.

_J'ai appelé le central, dit Pierre. Ils font la recherche pour savoir si nos deux étrangers étaient fichés. Les gars ont trouvé dans le coffre le sac à dos du jeune homme.

J'ai un peu fouillé, comme ça…

_T'as pris des gants ? interrompu un des jeunes.

_Non, je tripote toujours tout avec des mains dégueulasses. Comme ça, j'efface le peu de preuves qu'on peut avoir… Donc pour en revenir au sac, son agenda n'a qu'un seul numéro de téléphone, au nom de Thomas… Garnier. Non, Carnicer.

_Bon, vous restez là et vous attendez « les experts Â». On a plus grand chose à faire là. On va continuer les recherches à la gendarmerie.

P'taint, ça f'sait du bien. Une unité spécialisée allait prendre le relais. On était tranquille.

C'était l'avantage d'avoir un adjudant. Quand l'commandant était pas là, j'étais quasiment sûr d'être pénard. Là, on échapait à une enquête sur les lieux d'un homicide… On en aurait eu pour le samedi entier. Je soufflai en penchant la tête vers le sol. Les dalles étaient éclatées à deux endroits, exactement comme l'était le béton de la D31.

Je montrai aux collègues c'que j'avais vu. Guillaume me r'garda bizarrement. Il voulait peut être pas que je parle du machin qui avait galopé devant les autres. Toute façon, ça avait l'air d'une mise en scène tout ça. Mais j'comprenais qu'c'était pas utile de les faire baliser davantage.

 

 

 

_Alors t'en penses quoi de cette merde ? demanda guillaume alors qu'on était dans la voiture, en route pour la gendarmerie.

On avait rempli tout ce qu'il fallait en signalant la fuite du suspect, la découverte des deux cadavres…

Par contre, on avait pas attendu l'autre unité. Le commandant tenait tellement à avoir des pros du crime que ceux qu'il y avait placé s'sentaient vraiment plus pisser.

« Qu'ils se démerdent avec la baraque. Â»

_J'en pense que le couple de clandestin a tué les parents, chopé le gosse. Ils ont maquillé la maison, et se sont barrés. Mais en chemin, ils ont eu un problème et la voiture a foutu le camp.

Guillaume éclata de rire. Apparemment, c'était pas ce qu'il attendait.

_J'suis pas sûr que ça tient debout ce que tu me dis. Où ils ont trouvé le temps d'éclater la maison ? Comment ça se fait que personne ne les aient entendus ? Comment t'expliques tout le sang, et les coups de griffe ? Avec le machin qui a éclaté la fenêtre et le béton ?

Je lui répondis que vu que la maison était sur la coline de Saint Antoine, elle était assez isolée, que donc ils avaient pu prendre leur temps pour tout maquiller, j'savais pas pourquoi.

Et de toute façon, le truc qui avait sauté par la fenêtre n'avait pas pu être en même temps sur la D31 pour choper la bagnole et à la maison des Vidal pour tuer les parents.

_A moins qu'ils étaient plusieurs. Peut être qu'ils appartiennent… J'sais pas, à une secte ou à un truc de terroristes… J'connais des gars, Ã  seulement dix ils te mettent la misère à une maison comme ça !

« Le coup de la glace plein la cuisine, c'était quand même fort… Â»

_Et ils te foutent des coup de griffe plein la maison aussi ? En plus… J'crois en avoir déjà vu…

Il quittait pas la route des yeux. J'savais bien qu'il était inquiet. Il était p'tet pas super courageux –et encore, déjà plus que moi- mais quitter une scène de crime si vite, ça, il l'avait encore jamais fait. Adjudant, il l'était parce qu'il savait s'faire respecter, mais surtout parce qu'il savait réfléchir. S'il avait pas changé déjà deux fois de caserne, il aurait déjà eu son grade d'adjudant-chef. Et là, que lui parte en délire comme ça, j'devais avouer qu'ça foutait vraiment les boules. Mais ça comptait pas d'avoir peur. Pas avec ce métier, pas avec cette promesse que j'devais tenir.

_Où t'as pu voir ça ?


Chapitre 2 : La piste

 

 

 

 

 

 

_Là ! Je savais bien que je l'avais vu quelque part ! dit-il, une fois de retour.

Il jeta depuis son bureau un journal qui atterri sur le mien et manqua de peu la tasse de café.

Sur la première page de couv', une photo dans un encart avec les mêmes griffures au mur.

Je tournai rapidement les pages.

L'évènement avait eu lieu à Marseille, il y avait eu un mort, complètement déchiqueté.

La gendarmerie n'avait pas voulu fournir de commentaire. Donc on était pas plus avancés.

« A moins que… Â»

_Oh, Guigui ! J'connais un gars qui bosse à Marseille ! J'vais les appeler, voir si on peut pas avoir le dossier !

Il semblait d'accord avec l'idée, même si je voyais bien qu'il encaissait encore moins que moi la soirée. Il fit semblant d'être en forme, et dit qu'il allait voir pour les deux étrangers.

« Ils pourraient quand même changer de musique de temps en temps. Â»

Durant quinze bonnes minutes, j'me farcis du Mozart –ou Vivaldi- en boucle au téléphone. Quinze longues minutes durant lesquelles je fis un p'tit sudoku.

J'allais placer le neuf lorsqu'une voix me dérangea.

_Oui bonjour, Didier Malenfant, de la gendarmerie de l'Isle sur la sorgue. Pourais-je parler à l'adjudant-chef Samir Galiba ?

La voix me répondit qu'il était de jour cette semaine.

« Evidemment. C'est jamais simple, faut toujours faire dans le compliqué. Â»

_On a un double, voire quadruple homicide sur les bras, et ça ressemble à cette affaire de la semaine dernière... On aurait besoin du dossier... Oui, je sais bien que vous avez rien bouclé, mais c'est pour avoir des éléments, parce que… Oui, je patiente.

Et encore cette foutue musique!

Je me rendis compte que j'avais deux quatre sur la même ligne dans ma grille, lorsque la voix reprit le téléphone. Elle m'explica comment suivre les procédures afin d'obtenir des informations sur une affaire en cours.

_…Merci, oui, j'les connais les procédures… Mais parce qu'on a un suspect en fuite !

Je portai la main à mon visage et me frottai les yeux. Guillaume arriva et me prit le combiné.

_Je suis l'adjudant Guillaume Tourin… Oui… Et vous, vous êtes ?

Il passa dix bonnes minutes avec la connasse à l'aut' bout du fil, pour finalement raccrocher.

Il se tourna vers moi, et me demanda de surveiller le fax et de vérifier les casiers des Vidal tandis qu'il allait reprendre ses recherches sur les faux parents.

En quelques clics, j'avais fait ma part. Rien au casier, une contravention de stationnement interdit pour le père.

« Mais alors, qu'est-ce que cette famille vient foutre là dedans ? Â»

Le fax bipa. Une feuille, puis deux, trois et ainsi d'suite, s'entassèrent. Le tout en main, je le feuilletai rapidement. On y trouvai principalement des photos du lieu du crime, et quelques notes.

C'était exactement les mêmes marques, si c'n'était qu'elles avaient été bien plus importantes là-bas.

Si chez les Vidal, la porte avait été défoncée, ici le mur qui avait complètement sauté.

Je tendis les photos à mon adjudant. Les collègues de Marseille n'avaient encore rien conclu, mais les notes indiquaient une piste qui menait jusqu'en Chine…

_En chine !? Mais c'est quoi ce foutoir à la fin !? Il s'affala dans son fauteuil et se frotta les yeux. Alors maintenant, notre accident de voiture est lié à un double homicide, lui-même lié à un simple homicide, lui-même lié à une écatombe en pleine frontière chinoise ! Bon, je dis à Pierre de rien toucher, on attendra le commandant… Pour ce qui est des deux clandestins, ils sont tous les deux portés disparus dans chacun de leurs pays. Mais aucun n'est fiché…

Il soupira. On était tous les deux crevés. Je regardai ma montre. Sept heures moins le quart. Depuis hier, vingt-trois heures, on était là à se casser l'cul.

_Va dormir un coup, ordonna Guigui. Tout à l'heure, tu iras voir le pote de Vidal fils. Il nous renseignera peut être un peu plus sur Nataniel et sa famille.

J'obéis, à bout de force, et j'allai m'allonger dans un coin pénard.

 

 

 

 

_Debout là dedans ! C'est l'heure !

_Qu'est-ce que… Vache, t'abuses, j'ai à peine fermé les yeux que…

Inutile pour moi de terminer ma phrase.

Non seulement on m'avait laissé dormir deux heures, mais en plus, c'était le commandant devant moi. Je le saluai immédiatement.

Il me rendit le salut, et me demanda un bref récapitulatif de la situation. J'hésitai quelques secondes, ne sachant pas vraiment par où commencer…

Par le massacre de gardes chinois à un poste-frontière, l'homicide monstrueux à Marseille, les morts chez nous, l'accident… Tout se mélangea très vite dans ma tête endormie. 

_C'est vraiment le bordel, commandant.

_C'est effectivement un bref résumé, Malenfant, mais j'attends quand même un peu plus…

Je lui racontai tout dans l'ordre où ça c'était passé. Il resta silencieux quelques secondes, signe que c'était vraiment un bronx cette fois.

Au bout d'un moment, il demanda à Guillaume où était le nouveau. Guigui gueula pour savoir où était Pierre.

« C'est pour ça que j'le connaissais pas ! Â»

Le jeune arriva et salua le commandant, qui lui demanda de m'accompagner pour aller voir Thomas.

_Allons, Pierre, vous vous exprimez très bien ! Il n'y a pas de raison pour que vous y échappiez !

« Ca va me changer de l'autre tarbouif d'adjudant ! Â»

Je souris, alors qu'on se préparait à y aller.

 

 

 

Vu que j'avais pioncé, Pierre me tînt au courant de c'qui c'était passé durant deux heures.

Ils avaient récupéré le coeur chez le père pour le greffer sur le fils. Les marques de pneu laissées sur la route étaient bien celles de la voiture des Vidal.

Samir avait rappelé et c'était Guigui qui l'avait eu au téléphone. Apparemment, la victime à Marseille était pas française non plus. Mais elle avait aucun lien avec la Chine

_Laisses-moi deviner… Il était armenien. Ou coréen !

_Raté ! ria Pierre. Il était colombien.

J'en pouvais plus de tous ces étrangers qui venaient crever pratiquement d'vant la caserne.

Pas un n'avait la même nationalité. Aucun n'était lié à l'autre. Le seul élément déterminant, c'était les griffures. Et encore. Elles variaient de taille selon les lieux.

Mais ça m'faisait flipper quand même d'enquêter sur ce genre d'trucs bizarres. Le surnaturel, c'était vraiment pas mon truc.

Mais faire mon boulot, ça, ça l'était. Et même si j'me chiais dessus, je le ferais.

J'l'avais promis à Lise.

Pierre me confia que la D.S.T. avait carémment envoyé quelqu'un pour Marseille.

_Alors c'est p't'être vrai tout ça. Si la direction de surveillance du territoire s'interesse à ça, on court peut être après une espèce de monstre sorti d'un labo planqué je n'sais où.

_Je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit de fantastique dans cette affaire. J'imagine par contre un groupe extrêmement organisé qui est capable de mener en bateau des forces de l'ordre. N'importe qui ne peut pas faire ce qu'ils ont fait à Saint Antoine, ou à Marseille. On a affaire à des professionnels qui ont le sens de la mise en scène.

« C'est vrai qu'il parle bien… Â»

Il avait sûrement raison. Si la D.S.T. y était, peut être que l'un des parents cachait quelque chose qui le liait à ces clandestins.

 


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14/08/2007
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