Call Of Nemesis : La Plume Rouge (Partie2/2)

 

Comme j'aurais voulu avoir tort. Comme j'aurais voulu que ce n'eût été qu'un rêve. Comme j'aurais souhaité que ces maudites plumes soient blanches comme la plus pure des neiges. Mais non. Seul l'écarlate avait désormais sa place ici.

Cette fois-ci, il se tenait debout, bien que sa blessure fût visiblement encore douloureuse pour lui.

Tant de questions me vinrent à l'esprit. Qui était-il ? Que voulait-il ? Comment cela se pouvait ? Tant de questions. Trop de questions.

_Pourquoi !? m'exclamai-je.

Voilà le seul mot qui était parvenu jusqu'à ma bouche.

_La réponse est devant toi, me dit-il, doucement.

Je détournai le regard de cet homme et contemplai le paysage rougeâtre.

_Je ne comprends pas !

Il me regarda, prenant tour à tour les apparences de Xavier, de Luis, puis de mon père, et ainsi de suite.

_Si tu ne comprends pas, c'est que tu n'as pas à comprendre.

Je soupirai d'impatience. D'anxiété, surtout.

Quelques plumes dans le ciel, blanches, volaient, aussi bien que si elles avaient appartenu à des oiseaux.

L'une d'elle se fit toucher par une goutte de sang. Elle tomba puis atterrit lourdement sur le sol, comme si...

_Mon Dieu...

Des larmes se mirent à couler le long de mes joues.

Je comprenais maintenant. C'était tellement évident. Depuis le départ, ça l'était.

Ce n'était pas un rêve. Pas plus que c'était un parterre de plume sous mes pieds.

Mon interlocuteur me délivrait ici un message.

Lui-même l'avait dit lors de nos précédentes rencontres. Cette plume venait de s'écraser comme morte sur le sol.

Pleine de sang, elle rejoignait au sol les milliards d'autres cadavres maculés.

Je portai ma main à la bouche, horrifiée. Mes yeux se fixèrent de nouveau sur lui.

Il acquiesça, plein de tristesse.

_Il approche... Le...

Un son au loin. Plus rien.

Encore un son. Plus rien.

 

 

 

J'ouvris les yeux, réveillée par le téléphone. Je ne pleurais pas. A quoi bon.

_Allo ? questionnai-je, la voix ensommeillée.

_Allo, Alessandra ? C'est maman ! J'ai reçu un coup de fil de Xavier qui nous a dit que tu n'allais pas bien.

_Tout va bien, maman. Je t'assure. J'ai juste eu une grippe.

Je devinai de son silence qu'elle était inquiète.

Quelques phrases, pour la rassurer ; un « je t'aime Â» et un « embrasses papa pour moi Â» suffirent à la faire raccrocher.

Je posai le téléphone, sans le quitter des yeux. Ainsi j'avais saisi ce qu'il voulait me dire.

Mais pourquoi me l'avoir dit à moi ?

Peut être voulait-il que j'agisse pour changer les choses... Ou pire, que je survive aux miens.

Quoi qu'il en fut, le message n'était pas complet. Je devais le retrouver, une dernière fois.

Cinq minutes. Voilà le temps qu'il me fallut pour atteindre la pharmacie.

Je sortis de là, les larmes aux yeux. Je venais de mentir à une amie d'enfance en prétextant une insomnie.

Chez moi, je posai tout en vrac, sans faire attention. Une boîte. J'en aurais bien demandé deux. Mais cela aurait été de trop.

Un verre d'eau plus tard, deux cachets étaient en train de se dissoudre dans mon corps. Normalement, il en fallait un seul, disait la boîte. Mais cette foutue boîte ne précisait pas ce qu'il fallait faire dans mon cas précis. Je me couchai, tout doucement.

Il me dirait quoi faire. Et rien ne me réveillerait cette fois.



Chapitre 3 : Les condamnés

 

 

Etait-il Dieu ? Et si je n'étais pas la seule à recevoir le message ?

L'instant hypnagogique ne dura pas.

Bientôt, s'offrirent à moi le paysage sanglant et ces corps maculés que j'avais appris à connaître.

L'homme semblait différent. Il prenait toujours depuis la dernière fois les apparences des gens que je connaissais, mais là, il était plus... Expressif.

_Tu dois partir. Quitte ceux que tu aimes, ta vie, ta maison. Quitte-les et maintenant.

Surprise, je lui demandai des explications.

_Il m'a retrouvé. Ce n'est qu'une question de minute avant que...

Il sembla distrait, quelques instants. J'étais abasourdie, incapable de bouger. Où aller ?

Il se reconcentra sur moi.

_Fuis ! Tu dois fuir, maintenant ! S'il m'a retrouvé, c'est qu'il sait probablement où tu te trouves !

Un fracas monstrueux. Un instant, la plaine vacilla, et forma une pièce de moyenne taille, puis revînt à son état d'origine.

Il se tourna vers moi. Son visage était redevenu calme et serein.

_N'oublie pas ce que je t'ai dit. Sauve-toi de ta vie.

Avant que je n'eus le temps de dire quoi que ce soit, une masse bleue énorme apparut. D'une rapidité fulgurante, elle se jeta sur l'homme qui hurla de douleur et disparut de ma vue.

A présent, seule la bête devant moi était visible.

Ses longs poils épais noirs étaient inclinés. J'avais devant moi une horreur à mi-chemin entre le loup-garou et l'araignée.

Ses quatre yeux jaunes regardèrent dans ma direction.

Terrifiée, je fis quelques pas en arrière. Je perdis l'équilibre. Ma vue se brouilla très vite.

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Un bruit sourd. Une douleur. J'étais tombée du lit. Je regardai autour de moi, prête à voir cette immonde créature.

Comme si elle avait pu tenir dans la chambre.

Du sang sur mon pyjama. Je saignais du nez.

La peur au ventre, les yeux vitreux, je courus à la salle de bain voir ma blessure.

Entre temps, en passant devant la porte d'entrée, je vis au travers de ses carreaux qu'il ne faisait pas encore jour.

Je pris un morceau de coton, l'imbibai de désinfectant, puis je m'en servis. J'avais cette impression de ne pas voir son propre reflet dans la glace. Je me sentis différente de celle que je voyais en face de moi.

Etrangement, l'alcool ne piquait pas. Je me demandais si c'était vraiment une blessure, lorsque je me souvins de ce qu'il m'avait dit.

_Partir !

En courant dans la chambre, je pris une valise. J'y enfournai mes affaires.

Un temps de latence.

Et les autres ? Ma famille ? Mes amis ?

Xavier.

J'irai chez lui, en premier, puis nous prendrions sa voiture pour aller à Barcelone. Oui. C'était une bonne idée.

Ma valise fut très vite prête, à grands renforts d'entassements d'affaires et de nourritures.

La bouche encore pâteuse, je me précipitai dans la salle de bain. La brosse à dent dans la bouche, je me posai la question de comment j'allai convaincre Xavier.

Aucune importance. Je verrai.

Je crachai dans le lavabo, posai la brosse à dent, puis relevai la tête. Je regardai mon reflet, quelques instants, tourmentée de questions. Je m'apprêtai à quitter ma maison, en pleine nuit, pour fuir, où que ce fût. C'était dément. Aussi dément que de voir mon propre reflet tenir la brosse à dent que je venais de poser.

Je fis un pas en arrière. Il se jeta sur moi. Je sortis de la salle de bain sans voir s'il traverserait le miroir.

Deux mètres plus tard, j'étais à l'entrée. A côté de la porte, la valise prête.

J'arrachai cette dernière du sol tandis que j'ouvrais la porte. Un frisson me parcourut le dos.

Un homme marchait dans le jardin, lentement.

Les images qui suivirent arrivèrent si vite. Le frisson étendit son emprise sur l'ensemble de mon corps. Il me sembla tantôt à la grille, tantôt juste devant moi, le visage décomposé, transformé.

La valise tomba sur le sol. Je claquai la porte en quittant l'entrée.

A l'intérieur, j'esquivai en fuyant les horreurs qui s'attaquèrent à moi. Des ombres dans le salon, un visage horrible à la fenêtre. Le mur parut se déformer à mon passage. J'hurlai.

D'autres cris vinrent sans que je n'eusse besoin de les pousser. Des cris horribles, de terreur.

Il me sembla qu'il était juste derrière moi, prêt à m'attraper.

Dans la chambre du fonds, j'ouvris la fenêtre. J'étais persuadée de l'avoir dans mon dos, tandis qu'une présence au-dessus de moi me tétanisa un court instant. Ils seraient derrière la fenêtre. Je m'attendis d'une seconde à l'autre à revoir le visage décomposé.

Je fermai les yeux et sautai.

La douleur de la chute permit un court instant de les oublier eux, et ces cris. Des sons de verres brisés retentirent dans la maison. J'enjambai le muret du voisin et courus le plus loin possible devant moi, sans avoir ni le temps ni le souffle pour hurler à l'aide.

De moins en moins de ces choses s'attaquèrent à moi, au fur et à mesure que mes jambes m'emportaient au loin dans le village assombri.

Je courus jusqu'à ce qu'elles perdent définitivement ma trace, jusqu'à n'en plus pouvoir.

Je tombai à genoux dans l'une des maisons en construction.

La lumière des lampadaires passait par les encadrements prévus pour la porte d'entrée et les fenêtres.

Le calme de la nuit était apaisant. Aucune présence. Aucun bruit. Aucune peur.

La fatigue me submergea de telle façon que je ne sentis bientôt plus la douleur qui m'assaillait.

_Un cauchemar, chuchotai-je, à bout de souffle.

C'était un véritable cauchemar. Je ne pouvais pas être réveillée et vraiment vivre ces choses. Comment mes rêves pouvaient être plus convaincants de réalisme que les évènements que j'étais en train de vivre ? Cet être qui me poursuivait était-il celui dont l'homme du rêve m'avait mise en garde ?

Un courant d'air. Un frisson.

J'entendis un homme parler d'une voix calme, dans un langage incompréhensif.

Apeurée, j'en cherchai sans succès l'origine. La voix devint plus forte, comme si la colère, puis l'hystérie avait gagné l'homme. Il hurlait, crachait ses mots sur moi, me massacrait les tympans.

_Quantus tremor est futurus, quando judex est venturus, cuncta stricte discussurus !

D'un mouvement de tête, j'aperçus un visage aux cheveux ébouriffés par l'encadrement de la fenêtre. Mes yeux revinrent sur cet endroit, et tombèrent nez à nez avec cette tête terrifiante.

Je m'en écartai, pour tomber sur une chose informe au plafond. Bientôt, je fus encerclée, par les hurlements, par ces créatures tournoyantes, piquant sur moi...

Je fermai les yeux, bouchai mes oreilles.

_Assez ! sanglotai-je.

J'en avais assez de tout ça. Assez de rêver, assez de voir ma vie partir en fumée.

Je sentis une présence derrière moi, quelque chose de moins mobile que tout ce qui m'entourait jusqu'alors.

D'une façon ou d'une autre, ce cauchemar allait se terminer.

Je me voyais déjà, me réveiller le matin dans les couvertures chaudes de mon lit, me dire que j'avais seulement fait un mauvais rêve.

Une main froide se mit sur ma bouche. Sans ouvrir les yeux, je la laissai faire et m'abandonnai à qui m'attaquait. Cela n'avait plus d'importance, que je me réveille ou pas.

Un objet pointu me piqua au cou, puis se fraya un chemin à travers la carotide.

La douleur fut brève. Mes vêtements devinrent rapidement humides.

La main relâcha son emprise, laissant mon corps tomber lentement. Très lentement.

Moi qui souhaitais la paix, je ne fus pas déçue.

Ma chute dura une éternité.

J'étais si légère. Si bien. 

J'étais devenue la plume rouge du cauchemar de l'Humanité.

La première maculée, celle qui tacherai toutes les autres.

 



31/03/2007
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